Tyler Mitchell. À seulement 26 ans, ce jeune artiste afro-américain originaire d’Atlanta a déjà révolutionné le monde de la photographie et de la mode avec son regard novateur et engagé. Son premier livre, intitulé I Can Make You Feel Good, est un véritable manifeste visuel célébrant la liberté et la joie de la communauté noire.
J’ai découvert le travail de Tyler Mitchell il y a quelques années, lorsqu’il est devenu le premier photographe noir à shooter une couverture de Vogue en 2018, avec son portrait vibrant de Beyoncé. Depuis, je suis avec admiration son parcours fulgurant. Originaire d’Atlanta en Géorgie, il se passionne très jeune pour le skateboard et la vidéo. Adolescent, il commence à expérimenter avec un appareil photo offert par sa mère et poste ses clichés sur Instagram. Rapidement repéré pour son style distinctif mélangeant documentaire et mise en scène onirique, il enchaîne dès l’âge de 20 ans les collaborations avec de grandes marques comme Givenchy, JW Anderson ou Converse.
Mais au-delà de son talent inné pour la composition et la lumière, ce qui me touche dans la démarche de Tyler Mitchell, c’est sa volonté de montrer une autre image des Afro-Américains, loin des clichés misérabilistes ou agressifs. À travers ses photos pleines de douceur et de poésie, mettant en scène des jeunes gens noirs insouciants dans des décors bucoliques, il nous invite à repenser nos préjugés. « Je veux changer la façon dont les corps noirs sont perçus, explique-t-il. Je veux les montrer dans des états de joie et de loisir ».
Son livre I Can Make You Feel Good, paru en 2020, synthétise parfaitement cette philosophie. Composé de 120 photographies prises au cours des dernières années, l’ouvrage nous plonge dans un univers onirique et joyeux, où des modèles noirs de tous âges s’amusent et se prélassent dans des paysages naturels idylliques. Les images sont entrecoupées de pages colorées reprenant le titre, comme un mantra positif. « Avec ce livre, je voulais créer un espace sûr de liberté et d’épanouissement pour ma communauté, mais aussi pousser le public à réfléchir à ses constructions mentales », détaille Tyler Mitchell.
Au fil des pages, on découvre des scènes joyeuses et spontanées : un groupe d’adolescents faisant du skateboard, une jeune femme dansant dans un champ de fleurs, des amoureux s’enlaçant au bord d’un lac… Loin des représentations anxiogènes ou sexualisées dont sont souvent victimes les Noirs dans les médias, les modèles de Tyler Mitchell irradient d’insouciance et de naturel. Ils occupent l’espace avec légèreté, se lovant dans des décors champêtres qui contrastent avec l’imagerie urbaine habituellement associée aux Afro-Américains.
Cette ode à la « Black Joy », la joie noire, est d’autant plus puissante qu’elle s’inscrit dans le contexte tendu de l’Amérique post-Ferguson. Comme l’explique Tyler Mitchell, « il est crucial de montrer la joie et l’amour au sein de la communauté noire, surtout dans une période où il y a tant de violence et de traumatisme dirigés contre nous ». Par son regard empreint de douceur et de bienveillance, il opère un véritable renversement du regard photographique, d’habitude si prompt à se focaliser sur la souffrance des minorités.
Avec I Can Make You Feel Good, Tyler Mitchell prouve qu’au-delà d’un immense talent visuel, il est aussi un artiste engagé, soucieux d’utiliser son médium pour faire évoluer les mentalités. « En tant que photographe noir, je me sens responsable de créer des images qui reflètent ma communauté de façon nuancée et honnête, affirme-t-il. Je veux contribuer à élargir la gamme de représentations des Noirs, pour aller vers quelque chose de plus libre et positif ».
Et le succès est au rendez-vous : depuis sa parution, le livre de Tyler Mitchell a été salué par la critique et le public du monde entier. De nombreux musées et galeries ont aussi exposé ses tirages, permettant à un large public d’apprécier son travail en grand format. Une consécration méritée pour ce jeune artiste brillant, qui réussit le pari audacieux de conjuguer esthétique pointue et engagement militant.
Car au-delà de son indéniable virtuosité formelle, ce que je retiens de l’œuvre de Tyler Mitchell, c’est avant tout son humanisme vibrant et contagieux. À travers son objectif empreint de poésie, il parvient à capter des instants de grâce et de beauté pure, nous invitant à poser un regard neuf sur le monde qui nous entoure. En sublimant des moments simples du quotidien de jeunes Noirs améric, il nous rappelle que la joie et l’émerveillement sont notre droit le plus fondamental, par-delà les constructions sociales et les inégalités.
Avec son style inimitable mêlant onirisme et authenticité, Tyler Mitchell impose une nouvelle vision de la photographie, plus inclusive et bienveillante. Son travail ouvre la voie à une génération d’artistes africains-américains déterminés à se réapproprier leur image et leur narration. Et en ce sens, I Can Make You Feel Good est bien plus qu’un magnifique livre de photos : c’est un appel vibrant à embrasser la vie et ses possibles, dans toute leur pluralité. Un message d’espoir et de fierté auquel on ne peut que succomber.
Pour toutes ces raisons, je vous invite vivement à plonger dans l’univers enchanteur de Tyler Mitchell, que ce soit à travers son livre ou ses expositions. Laissez-vous porter par ses images vibrantes de douceur et de poésie, et songez à la manière dont vous aussi, à votre niveau, vous pouvez contribuer à changer les regards et ouvrir les consciences. Car comme le proclame si justement ce jeune artiste inspirant, avec de la volonté et de l’imagination, « I can make you feel good ». Et vous aussi !
