Lars Eidinger incarnera Brainiac dans la suite de Superman signée James Gunn : Man Of Tomorrow

Il y a des castings qui rassurent parce qu’ils cochent toutes les cases du “bon choix”, et d’autres qui intriguent parce qu’ils déplacent légèrement l’axe du film avant même qu’une seule image n’existe. Le fait que James Gunn ait arrêté son choix sur Lars Eidinger pour incarner Brainiac dans Man Of Tomorrow appartient clairement à la seconde catégorie : une décision qui ressemble moins à un calcul qu’à une intention de cinéma.

Une annonce qui dit quelque chose de la méthode Gunn

James Gunn a officialisé la nouvelle via Instagram, en insistant sur une recherche mondiale au terme de laquelle Eidinger se serait imposé “tout en haut” de la liste. Le détail n’est pas anodin : Gunn ne vend pas seulement un nom, il met en scène une démarche. Cela cadre avec sa manière de fabriquer du récit en dehors des films : il aime installer l’idée d’une cohérence artistique, d’un casting pensé comme une pièce de dramaturgie.

On savait déjà que Brainiac serait au centre du conflit, mais le choix d’un acteur allemand, très identifié dans le cinéma d’auteur européen et moins “évident” pour le grand public nord-américain, suggère une volonté d’éviter le méchant purement fonctionnel. Autrement dit : moins un boss de jeu vidéo, plus un personnage qui imprime une texture, une étrangeté, un rythme.

Le contexte : un DCU en reconstruction, mais pressé d’avancer

Man Of Tomorrow s’inscrit dans une phase charnière : celle où DC Studios, piloté par Gunn et Peter Safran, cherche à consolider un univers partagé après un redémarrage assumé. Le premier Superman de ce nouveau cycle a servi de fondation, dans le sillage du lancement animé de Creature Commandos. Et les chiffres parlent : près de 620 millions de dollars de recettes mondiales ont suffi à transformer l’essai en programme, avec une suite qui s’annonce déjà cadrée industriellement.

Le calendrier, lui, trahit une certaine accélération : tournage attendu début 2026, sortie déjà fixée au 9 juillet 2027. Il y a là un marqueur de confiance de la part de Warner, mais aussi une zone de tension potentielle : tenir un plan de vol tout en gardant la liberté d’écriture et de mise en scène. Cette équation, le cinéma de franchise la résout rarement de façon élégante. Gunn, lui, a déjà montré qu’il savait négocier avec la machine tout en conservant un goût pour les aspérités.

Pour suivre les échos et révélations qui circulent autour du projet, on peut aussi consulter cet article : https://www.nrmagazine.com/man-of-steel-2-revelations/.

Pourquoi Brainiac est un test de mise en scène, pas seulement un “vilain”

Brainiac n’est pas un antagoniste comme les autres. Dans l’imaginaire Superman, il cristallise une menace moins fondée sur la force brute que sur la logique, la collecte, la réduction : il archive, il compresse, il met sous cloche. C’est un personnage qui, selon les versions, peut évoquer autant la paranoïa technologique que le fantasme colonial (prélever, classer, posséder) ou l’obsession de l’ordre parfait.

À l’écran, cela demande une vraie décision de langage. Filmer Brainiac, ce n’est pas seulement concevoir des effets visuels et des gadgets ; c’est traduire une présence : froideur clinique ou élégance inquiétante, abstraction conceptuelle ou douleur enfouie, machine sans affect ou intelligence blessée. Dans un blockbuster, ce sont des nuances difficiles à préserver, parce que l’intrigue pousse toujours vers le simplifié et le lisible. Le casting devient donc une boussole : choisir Eidinger, c’est peut-être signifier que le film cherchera une singularité d’interprétation plutôt qu’une neutralité de costume.

Lars Eidinger : un visage “neuf” pour beaucoup, mais un acteur déjà chargé de cinéma

Dans les pays anglophones, Lars Eidinger est souvent repéré via Personal Shopper (thriller atmosphérique où le malaise se déplace dans les interstices) ou la mini-série Netflix All the Light We Cannot See, où il tient un rôle antagoniste. Il est également apparu dans le Dumbo de Tim Burton, dans un registre plus secondaire. Mais ces points d’entrée ne résument pas ce qu’il apporte : Eidinger est un acteur de tension, capable de rendre une scène instable simplement par la manière d’occuper un cadre ou de retarder une intention.

On le connaît aussi, côté cinéphilie, pour The Clouds of Sils Maria d’Olivier Assayas : une œuvre où tout se joue dans les glissements de pouvoir, les zones grises, les non-dits. Et pour beaucoup, son aura s’est aussi construite via Babylon Berlin, série néo-noire allemande dont l’énergie tient à une dramaturgie de la décadence et à un sens du spectacle mélancolique. Plus récemment, il apparaît dans White Noise de Noah Baumbach, dans un emploi bref mais significatif, comme une apparition qui densifie le monde du film.

Ce qui frappe chez lui, et qui peut être précieux pour Brainiac, c’est une capacité à jouer l’étrangeté sans l’illustrer grossièrement. Il peut être opaque sans être monotone, menaçant sans être démonstratif. Et surtout, il a ce talent rare : suggérer qu’un personnage pense plus vite que la scène, ce qui, pour un adversaire “intellectuel”, est un atout de mise en scène autant qu’un atout de jeu.

Un choix excitant parce qu’il n’est pas “évident”

Dans un blockbuster, un “grand méchant” est souvent une promesse de lisibilité : un acteur immédiatement reconnaissable, associé à un certain type d’autorité ou de charisme exportable. Eidinger est l’inverse : il est connu, mais pas “confortable”. Cette relative nouveauté auprès d’une partie du public peut devenir une force, parce qu’elle protège le personnage de l’effet “star qui joue sa marque”.

Gunn a souvent été à l’aise avec des interprètes un peu décalés, des présences qui amènent des angles. Il comprend que le ton de ses films — mélange de sérieux émotionnel, d’ironie, de violence parfois sèche — gagne à être porté par des acteurs qui acceptent le bizarre, le frottement. Là où certains univers super-héroïques lissent pour unifier, Gunn a tendance à composer avec des contrastes. Le fait qu’il ait déjà intégré des profils “inclassables” dans ses ensembles renforce l’idée que Brainiac pourrait être traité autrement que comme une figure purement utilitaire.

Ce que l’on sait du film, et ce que cela implique

Les éléments confirmés restent peu nombreux, mais structurants. David Corenswet revient en Clark Kent/Superman, et Nicholas Hoult reprend le rôle de Lex Luthor. C’est une donnée importante : si Luthor est là, même en périphérie, le film peut jouer sur une triangulation intéressante entre la menace “humaine” (idéologique, politique, économique) et la menace “cosmique” (intelligence non humaine, domination par le savoir).

Le risque, évidemment, serait l’empilement. Deux antagonismes forts peuvent s’annuler si le scénario les traite comme des étapes. Mais ils peuvent aussi se répondre si l’écriture assume une dialectique : Luthor comme miroir terrestre du contrôle, Brainiac comme version totale, abstraite, systémique. Et c’est précisément dans ce type de configuration que le casting compte : un Brainiac incarné par un acteur trop “formaté” ferait pencher le film vers le schéma simple. Eidinger, par son étrangeté maîtrisée, peut aider à maintenir une zone d’inconfort — ce qui est souvent, paradoxalement, la condition pour rendre Superman intéressant (un héros qui a besoin d’un monde complexe, pas seulement d’obstacles).

Lecture critique : promesse de singularité, mais vigilance sur l’équilibre

Sur le papier, l’idée d’un Brainiac interprété par Eidinger a quelque chose de stimulant : elle laisse espérer un antagoniste moins bavardement explicatif, moins réduit à une posture, plus travaillé dans la matière même des scènes. Mais un film de super-héros se joue dans un équilibre fragile entre concept et émotion, entre dispositif et personnages. Brainiac pose un problème classique : comment montrer l’intelligence sans la réduire à une série de phrases sentencieuses ? Comment filmer la menace sans confondre froideur et absence d’enjeu ?

La réussite dépendra donc moins de l’idée “Eidinger = bon acteur” (ce qui ne suffit jamais) que de la façon dont Gunn va l’inscrire dans une grammaire : choix de cadres, durée des plans, gestion du regard, qualité du silence, montage des confrontations. Un Brainiac marquant n’est pas celui qui crie le plus fort ; c’est celui dont la présence reconfigure l’espace et le tempo d’un film.

Ce que ce casting raconte, en creux, du Superman que Gunn veut filmer

Choisir Brainiac, c’est choisir un type de récit Superman : un récit où l’héroïsme n’est pas seulement une affaire de puissance, mais une affaire de valeurs face à une logique de prédation et de collection. Et choisir Lars Eidinger, c’est peut-être affirmer que la suite cherchera davantage le trouble que le simple spectaculaire, davantage la tension de l’idée que la jouissance du coup.

Reste une question, et elle vaut comme attente plus que comme verdict : dans Man Of Tomorrow, Brainiac sera-t-il un simple moteur d’action, ou le révélateur d’un monde où tout — villes, cultures, individus — risque d’être réduit à des données ? Si le film ose cette inquiétude-là, et si la mise en scène lui laisse de l’air, alors ce casting “inattendu” pourrait devenir, rétrospectivement, l’évidence la plus cinématographique du projet.

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