
En 2017, le projet ambitieux de Luc Besson, Valérian et la cité des mille planètes, s’est imposé comme l’un des plus spectaculaires défis du cinéma européen. Présenté comme un blockbuster à l’envergure hollywoodienne, ce film de science-fiction promettait de redéfinir la place de la France dans l’univers étendu des sagas spatiales. Pourtant, ce qui devait être un triomphe international s’est transformé en un échec commercial retentissant, causant un séisme financier pour sa société de production, EuropaCorp, et marquant durablement la carrière de Luc Besson. Retour détaillé sur les raisons, conséquences et le contexte d’un désastre qui a bouleversé l’industrie cinématographique française et étrangère.
Lorsque l’on évoque Valérian et la cité des mille planètes, impossible de faire abstraction de son budget démesuré. Officiellement, la superproduction a coûté près de 197 millions d’euros, soit plus de 230 millions de dollars, un chiffre astronomique qui dépasse largement les budgets de nombreux blockbusters américains comme Spider-Man : Homecoming ou même Wonder Woman. Cette enveloppe phénoménale intégrait non seulement les frais de tournage et les effets spéciaux spectaculaires, mais également une campagne marketing intense — estimée à environ 60 millions d’euros — nécessaire pour tenter d’attirer un public international.
EuropaCorp, la maison de production créée par Luc Besson, a ainsi pris le pari risqué de concurrencer directement les mastodontes hollywoodiens, avec l’idée affichée d’en faire « leur propre Star Wars ». Le cinéaste, fort de son succès précédent avec Lucy, avait d’ailleurs assuré que près de 96 % du budget était déjà couvert par des préventes, minimisant ainsi son risque financier. Pourtant, ce coup de poker dans la galaxie des films de science-fiction allait s’avérer fatal à la structure française.
Le choix des acteurs principaux, Dane DeHaan et Cara Delevingne, avec la présence de célébrités comme Rihanna, illustre bien la tentative de mêler talents émergents et figures populaires du moment. Officiellement, cette combinaison visait à séduire un public jeune et international. La notoriété de Cara Delevingne, avec ses millions de followers sur Twitter, devait être l’un des leviers clés pour amplifier la visibilité du film.
Pourtant, cet angle fut une épée à double tranchant. L’investissement dans la présence d’influenceurs et stars non spécialisées dans le cinéma a soulevé des questions sur le sérieux artistique et l’authenticité du projet. De plus, les critiques négatives, notamment de la presse américaine, ont rapidement porté un coup dur à la campagne. Une partie des médias a vu dans le film une tentative chahutée et superficielle, sans réelle profondeur narrative — un hiatus avec l’ambition affichée.
Sorti avec de grandes attentes au cœur d’un marché dominé par des franchises américaines, Valérian a plafonné à environ 226 millions de dollars de recettes mondiales. Malgré un scénario ambitieux et une expérience visuelle innovante, ces chiffres sont loin des standards imposés par les géants hollywoodiens, déjà inaccessibles à un film français, même à gros budget. Pour mieux illustrer l’ampleur du fiasco, comparons :
Aux États-Unis, jadis position centrale pour ce genre, le film a récolté un maigre 42 millions de dollars, un score qui le situe à peine au niveau des plus grosses déceptions commerciales comme Le Roi Arthur : La légende d’Excalibur. Le recul spectaculaire dès la deuxième semaine, avec une chute de fréquentation de plus de 62 %, a accéléré son retrait des salles. Au total, l’étoile filante de la superproduction a duré neuf semaines à peine sur les écrans américains.
Contrairement aux États-Unis, le public français a réservé un accueil plus tiède, mais néanmoins mesuré, à la franchise. Avec environ 4 millions d’entrées, le film s’est classé cinquième succès national de l’année 2017, derrière des blockbusters internationaux comme Star Wars : Les Derniers Jedi. Parmi les productions françaises, il fut le second meilleur public de l’année, confirmant une certaine fierté locale, sans pour autant atteindre les sommets des précédentes œuvres de Luc Besson, à l’image du Cinquième Elément (7,7 millions d’entrées) ou même de Lucy.
Cependant, ce succès relatif n’a pu compenser les pertes à l’international, notamment dans d’autres territoires majeurs du box office, comme la Chine ou le Japon, où Valérian et la cité des mille planètes a échoué à retenir une audience significative malgré une mise en avant massive par ses investisseurs.
La Chine, marché incontournable dans le cinéma actuel, a pourtant été l’espoir majeur pour relancer la barre commerciale de Valérian. La société chinoise Fundamental Films, associée à EuropaCorp via un investissement conséquent, a propulsé le film sur plus de 6000 écrans dans ce pays, générant 28,8 millions $ dès son démarrage. Malgré ce lancement solide, la chute de fréquentation a été vertigineuse, avec une baisse de 78 % à la deuxième semaine, poussant rapidement le film hors des premières places.
Le territoire asiatique, également avec la présence de stars locales comme Kris Wu, n’a pas réussi à devenir le relais de succès espéré. Au Japon, la sortie tardive en 2018 n’a pas davantage sauvé cette tendance déclinante. En Russie et en Allemagne, les résultats restent anecdotiques, insuffisants pour redresser la balance des dépenses à hauteur de plusieurs centaines de millions.
Au-delà des chiffres, l’échec de Valérian et la cité des mille planètes s’explique par un ensemble de causes souvent intimement liées. Le casting jeune, certes prometteur, n’a su insuffler la confiance d’un large public, contrastant avec les mastodontes américains qui s’appuient sur des visages devenus emblématiques. De plus, la sortie du film s’est faite en plein été 2017, une période concurrentielle où s’affrontaient plusieurs blockbusters comme Dunkerque ou des suites populaires de franchises établies.
Luc Besson lui-même a pointé du doigt la presse américaine, arguant qu’une campagne critique défavorable aurait trahi la confiance du public dès le départ. Cette perception largement relayée a affecté la dynamique commerciale à l’échelle mondiale, rendant difficile une reprise en doux lead-over, notamment dans des territoires aussi vastes que les États-Unis ou la Chine. Quant à l’univers de la bande dessinée originale Valérian et Laureline, bien qu’emblématique en France, il restait méconnu du grand public international, handicapant la reconnaissance immédiate.
Avec les revers de Valérian, EuropaCorp s’est retrouvée au bord du gouffre financier. La société a subi une chute spectaculaire de valeur en bourse, suivie par une restructuration majeure au sein de sa direction. Entre 2017 et 2019, EuropaCorp a été placée en procédure de sauvegarde avec une dette dépassant les 220 millions d’euros.
Cette crise a contraint le studio à réduire drastiquement ses productions, abandonnant temporairement l’ambition de grands projets à gros budget pour privilégier des films à échelle plus modeste, avec des retours plus sûrs. Luc Besson, tout en conservant une fonction artistique jusqu’en 2025, a vu son rôle exécutif diminuer, laissant la gestion à des professionnels du secteur financier.
Malgré ce revers historique, Luc Besson continue de clamer que le film Valérian n’a pas été un échec total, soutenant que sa société n’a pas perdu d’argent sur ce projet, même si le gain est resté inexistant. Cependant, dans les coulisses, le destin d’EuropaCorp reste un sujet d’incertitude avec des plans de relance et des idées de reprises de franchises moins ambitieuses, comme la saga Taxi ou des adaptations attendues.
Le futur de Valérian reste suspendu à un fil ténu, la franchise n’ayant pour l’heure pas su convaincre pour un second épisode, malgré certains projets en suspens. En attendant, l’industrie française du cinéma a tiré les leçons de cette aventure spectaculaire, observant la nécessité d’un équilibre entre ambition créative, stratégie marketing et connaissance fine des attentes du public mondial.
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