
Peu de gens imaginent que l’accompagnement en milieu scolaire dépasse largement la simple “présence” derrière un élève. Ce métier, à la croisée de l’humain et de l’éducation, intrigue autant par la richesse de ses missions que par la réalité de ses revenus, rarement mis en lumière. Quel salaire attendre, vraiment, quand on épaule chaque jour des enfants en difficulté ?
On entre rarement dans ce métier pour l’argent, et ça se ressent aussitôt. Le matin dans la cour, ou dans le couloir feutré où le stress du réveil flotte encore, il y a ce mélange de détermination et de fatigue sur les visages. Qui sait combien gagne celui ou celle qui accompagne, discrètement, un enfant vers sa salle de classe ? Tout le monde croit savoir, pourtant, personne n’en parle vraiment.
Un accompagnateur en milieu scolaire, souvent appelé AVS ou AESH, commence tout près du SMIC. 1 540€ brut, parfois moins quand le contrat est à temps partiel (et c’est parfois le cas, malgré la réalité des besoins). Dans le privé, un léger sursaut : 1 600 à 1 800€ brut. Pas de quoi se pavaner, mais dans certaines régions, ça fait la différence sur une fiche de paie. On découvre, au fil des ans, que rares sont ceux qui dépassent l’échelon des 2 000€ brut. Sauf, peut-être, en jonglant avec les expériences, les formations complémentaires – ou l’indépendance, à condition d’en vouloir.
On imagine, à tort, que le salaire grimpe vite avec l’ancienneté. Pourtant, l’accompagnement, malgré son exigence, ne s’accompagne pas d’une ascension spectaculaire. L’évolution existe, oui, mais elle reste timide si on s’en tient au titre d’AVS ou AESH. La grille est là, rigide. Ce qui s’ajoute, ce sont parfois des heures, rarement des centaines d’euros.
Le vrai décalage, ce n’est pas tant le chiffre sur la fiche de paie, c’est cette tension entre le cœur du métier et la reconnaissance. On attend du professionnel qu’il soit disponible, patient, formé, attentif aux besoins particuliers… mais le salaire ne traduit pas toujours cette attente. Parfois, on reste des années en CDD, sans voir venir de CDI, à calculer ses heures pour savoir si la fin du mois tiendra. En réalité, il y a là de quoi décourager les plus motivés.
Ce que peu de gens voient, c’est ce moment discret où l’accompagnatrice finit sa journée chez elle, relisant le texte qu’elle a aidé un élève à comprendre. Elle pense, sans le dire, au rendez-vous avec la direction où le mot “avenant” fait résonner, dans sa tête, la question du lendemain : garderont-ils mon contrat ? Sur le papier, la paie arrive. Mais derrière, il y a beaucoup de jours supplémentaires, non payés, passés à rassurer un enfant ou à préparer un atelier.
On pourrait croire qu’être indépendant – micro-entrepreneur, par exemple – change la donne. Les 20 à 30 euros de l’heure attirent, mais la solitude aussi. Il faut négocier chaque mission, courir après les contrats, absorber les démarches, les charges, la précarité qui s’invite sans prévenir. Ce n’est pas une solution pour tous. C’est là que ça devient intéressant : certains préfèrent la sécurité du public, avec ses faiblesses, plutôt que le grand saut sans filet.
Le piège mental ? Penser qu’un diplôme supplémentaire va mécaniquement ouvrir les portes d’un meilleur salaire. Ce n’est pas automatique. Les diplômes comme le DEAES, le DEAVS ou le titre d’ADVF valorisent, bien sûr, mais il faut la structure, le poste, la hiérarchie qui suit. Parfois, ce n’est qu’après plusieurs années et un passage par la case “reconversion” – éducateur spécialisé, auxiliaire de puériculture – que la feuille de paie s’épaissit vraiment.
Il ne s’agit pas de dépeindre ce métier en martyr, ni de nier ses avancées. Cet accompagnement, souvent, a du sens, mais cela ne nourrit pas un foyer. Reconnaître la valeur du travail, c’est aussi regarder en face la question du revenu. Il n’y a rien de honteux à attendre mieux. C’est là que beaucoup tiennent – sur le fil, mais debout.
Un accompagnateur en milieu scolaire ne compte pas que les heures, il compte aussi ce qui manque. Ce sont les moments qui restent, bien plus que le montant exact sur la fiche de paie.