Culture

Le peuple français : histoire et évolution d’une identité

Le « peuple français » est une expression polysémique qui a pris au fil des siècles des sens variés. Longtemps, elle a désigné les sujets du roi de France avant de symboliser, après la Révolution, la souveraineté de la Nation. Aujourd’hui, elle renvoie à l’ensemble des citoyens français mais suscite toujours des débats sur la définition de l’identité française.

Les origines du peuple français

Héritage gaulois et gallo-romain

L’histoire du peuple français commence avec les peuples gaulois, bien connus grâce aux Commentaires sur la guerre des Gaules de Jules César. Les noms des principales tribus gauloises (Arvernes, Carnutes, Parisii, etc.) ont survécu dans les ethnonymes de nombreuses régions françaises actuelles (Auvergne, Chartres, Paris, etc.).

Les Gaulois sont considérés soit comme des ancêtres biologiques du peuple français, soit comme ses ancêtres culturels et spirituels. Le chef gaulois Vercingétorix, qui a tenté vainement d’unir les tribus contre l’invasion romaine, est souvent présenté comme un premier héros national.

Après la conquête romaine, la Gaule est progressivement romanisée. Le brassage des populations gauloises et romaines donnera naissance à la culture gallo-romaine, qui influencera durablement l’identité française.

Influence des peuples germaniques

A partir du IIIe siècle, des peuples germaniques comme les Francs et les Wisigoths s’installent en Gaule. La région est ensuite conquise par Clovis, chef du peuple franc, qui fonde le royaume mérovingien au Ve siècle.

Bien que minoritaires, les Francs donnent leur nom à la France et ont pu, selon certaines théories, influencer l’identité de la noblesse française.

Émergence d’une identité française

Sous l’Ancien Régime, il n’existe pas encore de sentiment national au sens moderne. La France reste morcelée en provinces aux traditions locales fortes et le peuple est constitué des sujets du roi.

C’est petit à petit, au fil des siècles et sous l’impulsion des rois de France, qu’une identité collective commence à émerger via la référence à une continuité dynastique ininterrompue. Le territoire royal s’agrandit et l’idée d’appartenance au « royaume de France » fait son chemin, avant d’aboutir à la notion moderne de nation.

La Révolution française et la souveraineté du peuple

French flag on Dijon city backgorund

La Révolution française marque une rupture fondamentale dans la définition du peuple français, qui acquiert une dimension politique nouvelle.

Naissance d’une nation souveraine

Sous l’influence des Lumières et de Jean-Jacques Rousseau, le concept de souveraineté populaire émerge. Le « peuple français » n’est plus seulement constitué des sujets du roi mais devient dépositaire de la souveraineté nationale.

Cette conception trouve sa traduction juridique dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui énonce que « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation ».

Instauration du suffrage universel masculin

Si le concept politique de nation souveraine est posé en 1789, le corps électoral reste encore très limité. La Révolution ouvre toutefois la voie à une lent agrandissement du peuple citoyen.

En 1792, le suffrage universel masculin est instauré, faisant théoriquement de tous les hommes des citoyens à part entière. Ce droit sera ensuite plusieurs fois supprimé puis rétabli au gré des régimes politiques tout au long du XIXe siècle, avant d’être définitivement entériné.

Tensions entre visions jacobine et ethnoculturelle de la nation

Dès 1789, un débat oppose une conception assimilationniste et volontariste de la nation, défendue par les Jacobins, et une vision plus ethnoculturelle mettant l’accent sur les spécificités régionales et locales.

Cette tension, toujours vivace aujourd’hui, structure nombre de controverses autour de la devise républicaine («liberté, égalité, fraternité»), du modèle d’intégration ou encore de la place des langues et cultures régionales.

Construction de l’identité nationale

Au XIXe siècle, la France connaît de profondes évolutions politiques et sociales qui vont structurer le sentiment national. L’identité française se construit progressivement, non sans tensions.

L’école et le service militaire : creusets de l’unité nationale

Sous la IIIe République (1870-1940), l’instruction primaire devient gratuite et obligatoire. L’école publique joue un rôle essentiel dans la diffusion de la langue française, de l’histoire nationale et des symboles républicains.

Parallèlement, la conscription obligatoire participe au brassage des populations issues des différentes provinces.

Centralisation administrative et homogénéisation culturelle

Les gouvernements républicains mènent une politique volontariste d’unification du territoire national. La centralisation administrative se traduit par une relativisation des spécificités locales et régionales au profit de la seule identité nationale.

Sur le plan culturel, cette logique jacobine aboutit à terme à une certaine uniformisation, même si des particularismes demeurent. Le français supplante progressivement les langues régionales dans le cadre de la vie publique.

Crispations autour de l’immigration et des minorités

La question de l’intégration des populations immigrées catalyse certaines crispations autour de l’identité nationale. La montée de l’antisémitisme à la fin du XIXe siècle témoigne par exemple des tensions entre universalisme républicain et tentations ethniques.

De manière générale, le modèle assimilationniste à la française va se heurter à l’émergence des revendications multiculturelles et communautaristes au XXe siècle.

Redéfinitions contemporaines

De nos jours, la définition du «peuple français» fait toujours débat. Sa signification juridique ne coïncide pas forcément avec les évolutions de la société.

Cityscape of Menton, France

Approche ethnoculturelle versus citoyenneté

La conception républicaine, fondée sur le volontarisme politique, le jus soli et l’assimilation, s’oppose parfois à une approche plus ethnoculturelle du peuple français. Cette dernière renvoie à des notions comme les «Français de souche» ou à l’idée de «préférence nationale».

Ces deux visions sous-tendent nombre de controverses sur l’identité nationale ou le «communautarisme». Elles traduisent une tension toujours vive entre droits individuels et collectifs.

Persistance des identités régionales

Malgré la centralisation, les sentiments d’appartenance locale demeurent une composante de l’identité nationale. Certaines régions comme la Corse ou l’Alsace véhiculent par exemple l’image de cultures à part, dotées de langues, de traditions ou de systèmes juridiques spécifiques.

Ces particularismes territoriaux interrogent la conception jacobine classique de l’indivisibilité de la République et du peuple français.

Émergence d’une citoyenneté européenne

Avec la construction européenne, la citoyenneté tend à s’affranchir du seul cadre national. Depuis 1993, le traité de Maastricht consacre ainsi l’existence d’une «citoyenneté de l’Union» venant se superposer aux citoyennetés nationales.

Ce processus interroge à terme la pertinence des catégories politiques fondées sur l’appartenance à un peuple particulier. Une «citoyenneté post-nationale» émergerait peu à peu.

L’identité du peuple français

L’identité du peuple français s’est construite au fil d’une longue histoire faite de brassages, de tensions et de débats sans cesse recommencés entre visions descendantes et ascendante, ethniques et volontaristes, centralisatrices et régionalistes.

Si le prisme national garde une certaine prégnance, l’époque contemporaine est traversée de mouvements contradictoires qui invitent à repenser ce cadre traditionnel. Loin d’être figée, la définition du «peuple français» reste donc plus que jamais une question ouverte.

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