
Deadpool & Wolverine signe le retour très attendu mais aussi controversé d’un duo inédit dans l’univers Marvel cinématographique. Sorti en 2024 sous la direction de Shawn Levy, ce film s’impose comme un dernier acte symbolique pour une ère marquée par l’acquisition tumultueuse des licences Fox. Entre satire méta, hommage nostalgique et regard incisif sur le multivers en pleine expansion, ce long-métrage dépasse la simple comédie d’action pour offrir une critique ajustée du fonctionnement d’un MCU en mutation. Ryan Reynolds, fidèle à son personnage iconoclaste, retrouve Hugh Jackman pour ressusciter l’image de Wolverine dans un conte où le jeu sur les attentes, la narration décousue et le fan-service s’entremêlent avec l’ambition notoirement insuffisante d’une formule qui tente de se réinventer. Le mélange d’humour décalé et d’émotion contenue révèle un film qui « essaye » de plus qu’une simple ostentation de ses références. Suivez-nous dans une analyse complète et détaillée qui décrypte ce pivot étrange et souvent imparfait, mais néanmoins indispensable.
Deadpool 3 ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il s’agit de briser le quatrième mur. D’emblée, Ryan Reynolds, dans la peau du « Merc with a Mouth », s’adresse au public en mode provocateur, soulignant le caractère criant de saturation du MCU. Entre clins d’œil au rachat des droits, aux millions de dollars investis et au concept controversé de multivers, le film joue de cette conscience au niveau narratif comme d’un levier comique efficace. La tonalité sarcastique se double d’une réflexion sur l’état de la franchise : alors que les Avengers ont ralenti le rythme, Deadpool vient rafraîchir le paysage avec son irrévérence habituelle.
La première scène, souvent citée comme la meilleure du film, révèle un humour corrosif qui pioche dans le sac de la désacralisation, avec des dialogues qui mordent et des situations qui ne craignent pas d’être politiquement incorrectes. Mais au-delà de l’amusement facile, il y a une vraie prise de conscience du poids qui pèse désormais sur les épaules des super-héros Marvel, coincés entre spectacle grandiose et attentes commerciales gigantesques.
La connexion avec le TVA, cette entité introduite dans la série Loki et censée réguler le multivers, fonctionne comme un cadre narratif minimaliste pour expliquer la venue de Wolverine, joué par Hugh Jackman, dans ce nouvel univers. Ce procédé, déjà vu dans des productions comme Spider-Man : No Way Home, évoque un patchwork de continuités pas toujours fluide, mais qui affirme néanmoins l’intelligence du film à manier ces références avec un certain cynisme. Le mélange des univers devient alors un décor pour un spectacle où la narration s’adapte à la surcharge d’information et à la nostalgie encouragée.
Le retour de Hugh Jackman dans la peau de Wolverine provoque forcément une vague d’émotion auprès des fans. L’acteur, qui avait officiellement raccroché ses griffes en 2017 avec le film Logan, apporte un contrepoint particulièrement bienvenu à la folie de Deadpool. Ce duel à l’écran, entre un anti-héros bavard et un vétéran taciturne, donne une dynamique de buddy-movie parfaitement exploitable.
Le tandem révèle ses forces et ses faiblesses. Deadpool est toujours la figure haute en couleur, ultra-présente par ses dialogues, sa gestuelle exagérée, mais aussi par son embarras sincère face à sa condition. Wolverine, lui, porte un fardeau plus lourd : celui d’un héros fatigué, marqué par son passé mais désireux de réparer ses erreurs. Ce contraste nourrit la narration tout en offrant au spectateur une immersion dans une dualité émotionnelle et comique.
Le film excelle dans le jeu sur cette complicité imparfaite : Deadpool est souvent le déclencheur des situations absurdes qui ponctuent le film, tandis que Wolverine incarne la stabilité nécessaire pour casser le rythme et injecter un peu d’humanité. Cela fait que l’on ne peut s’empêcher de s’attacher à leurs aventures communes, même si parfois la répétition des gags peut ennuyer. Le duo est la colonne vertébrale d’un projet basé sur leur alchimie, plus que sur un scénario solide ou innovant.
Deadpool a toujours été un personnage attachant qui cache ses failles derrière un masque d’humour noir et une avalanche de blagues osées. Le film exploite cette dualité avec plus ou moins de succès. Il tente de renouer avec cette originalité qui faisait du premier Deadpool plus qu’une simple comédie de super-héros : une véritable origin story où la souffrance et l’amour donnaient du sens au chaos.
Dans ce nouveau volet, Wade Wilson montre encore son courage et ses failles, notamment dans ses liens intime et son désir profond de préserver ceux qu’il aime. Si la narration use souvent de la déconstruction méta, elle n’en oublie pas une tonalité dramatique qui se révèle au fil du récit. Ce qui fait que, parfois, Deadpool 3 éclaire d’une lumière douce des émotions souvent occultées par les impacts visuels et les dialogues flamboyants.
Malgré tout, cette ambition reste souvent entravée par un scénario qui fait des zigzags et n’ose pas toujours pousser à fond ses thématiques plus profondes. Le film reste un « je tente » ambitieux mais inégal, préféré aux explosions et aux courses-poursuites parfois confuses, au détriment d’une vraie cohérence narrative qui aurait pu le hisser plus haut dans le panthéon des adaptations Marvel.
L’une des caractéristiques les plus visibles de Deadpool & Wolverine est son utilisation massive, presque compulsive, du fan-service. Le film se régale à aligner les apparitions surprises, revisitant l’héritage de la 20th Century Fox et célébrant les figurines et personnages jadis cantonnés à des œuvres indépendantes au sein d’un univers désormais unifié. Ce patchwork provoque une jubilation mêlée à une impression de foire d’empoigne où l’on peine à discerner l’utilité réelle de certains clins d’œil.
Mais ce festival de caméos ne se contente pas d’être un simple effet d’annonce. Il est placé au cœur même de la narration et sert de toile de fond pour ce que représente la transition d’une époque à une autre. De fait, il symbolise cette décharge nécessaire où le passé, parfois poussiéreux, est mis en lumière pour mieux s’éteindre ou se réinventer. Cette stratégie s’applique habilement pour donner l’illusion d’un univers riche, chargé d’histoire, tout en soulignant son obsolescence progressive.
Malgré les risques de dispersion, le film parvient grâce à son humour à éviter l’écueil du trop-plein artificiel, capitalisant sur la complicité des fans pour créer une atmosphère où chaque apparition devient un clin d’œil affectueux. Cette dimension nostalgique est toutefois tempérée par un regard critique qui ne cache pas la lassitude face à certains choix commerciaux et narratifs du MCU moderne.
Sur le plan visuel, Deadpool & Wolverine tranche avec l’esthétique habituelle des blockbusters Marvel. La scénographie se veut plus brute, parfois même minimale, épurée jusqu’à l’austérité, rappelant davantage des productions indépendantes que des super-productions à plusieurs centaines de millions d’euros. Cette approche moins clinquante peut surprendre dans un contexte où les spectateurs sont habitués aux explosions numériques et à la saturation d’effets spéciaux.
La palette de couleurs froides, l’utilisation d’espaces confinés (un appartement, un sous-sol, un terrain vague), et la direction artistique volontairement grise créent une atmosphère pesante, presque oppressante. Cette stylisation reflète clairement la thématique de la fin d’une époque, d’un univers Marvel sous contrôle, qui s’essouffle et peine à se renouveler efficacement.
Cependant, cette approche minimaliste trouve ses limites : certaines scènes d’action, à la fois abouties et brouillonnes, pâtissent de cette économie de moyens. Ainsi, si la montée en tension sur une séquence de combat dans une voiture est réussie, le climax final tourne souvent à une bataille trop éclatée, hésitant entre spectacle et confusion maladroite. Pourtant, cette retenue esthétique exprime parfaitement l’esprit du film, qui cherche à dépouiller l’univers super-héroïque pour en proposer une lecture plus humble et plus humaine.
Deadpool & Wolverine s’inscrit dans un schéma narratif complexe mêlant multivers, réalités alternatives et lignes temporelles éclatées. Si la cohérence souffre de cette profusion, elle ouvre aussi le champ à une exploration intrigante des conséquences de ces distorsions sur l’identité des héros et leur évolution.
Le récit s’appuie sur le concept du TVA (Tribunal des Variations Anachroniques) qui rappelle l’autorité régulatrice des réalités comme vue dans Loki. Cette institution sert donc de pivot pour intégrer Wolverine dans un récit globalement centré sur Deadpool, originellement personnage Fox désormais dans l’univers Marvel. Cette fusion provoque des moments de confusion éditoriale, mais elle est également porteuse d’une ambitieuse tentation : réconcilier des univers souvent perçus comme irréconciliables.
Le nombre important des références, des clins d’œil et des allusions, parfois gratuites, contribue à charger le récit, qui peine à garder un rythme constant. Néanmoins, cette construction labyrinthique reflète le chaos organisationnel que subit la franchise et cristallise la difficile transition du MCU vers une nouvelle ère post-Endgame. C’est aussi une invitation au spectateur à plonger dans un univers que la complexité effraie tout autant qu’elle fascine.
Deadpool & Wolverine marque un point tournant pour l’univers Marvel au cinéma. Après une décennie dominée par les Avengers, le projet reflète un MCU qui a parfois perdu de sa dynamique et éprouve la lassitude du public face à un calendrier trop chargé et une formule usée. Ce film apparaît comme un coup d’arrêt volontaire, qui réinjecte de la fraîcheur par son ton irrévérencieux, mais référence aussi implicitement les limites d’un système en quête de renouveau.
La stratégie de ramener Deadpool, un personnage foncièrement méta et subversif, dans un MCU policé par Disney pose la question de la viabilité d’une telle franchise sur le long terme. Deadpool 3 brouille les cartes, oscillant entre pastiches comiques et drames personnels, sans toutefois réussir à sortir complètement des carcans habituels. Ce positionnement incertain illustre une industrie qui tente de concilier l’ancien et le nouveau, dans une atmosphère parfois cynique et parfois nostalgique.
Concrètement, ce film se positionne comme une sorte de manifeste du nouveau Marvel : celui qui assume ses échecs tout en s’amusant des ses succès passés. Avec un « Marvel is dead, long live Marvel! » clairement affiché, Deadpool & Wolverine veut ouvrir une nouvelle voie pour les super-héros en 2025, avec plus d’humilité et d’ironie, à rebours de la grandeur classique.
Alors que l’accueil critique et public autour de Deadpool & Wolverine reste globalement positif malgré les réserves sur la qualité narrative, Marvel semble préparer un avenir pour ce duo iconique. Ryan Reynolds a exprimé son souhait d’une saga prolongée, allant au-delà d’un simple crossover, évoquant même un « Deadpool 4 » incluant davantage de personnages X-Men, dans une veine plus ambitieuse. Le réchauffement des relations entre Disney et les anciens détenteurs Fox encourage ce genre de projets.
Ce potentiel s’accompagne néanmoins de défis prévisibles : comment intégrer ces personnages complexes et chargés d’histoire dans un MCU plus mature et cohérent ? Comment maintenir l’équilibre entre l’humour décapant de Deadpool et le sérieux de Wolverine ? Ces questions sont au cœur des discussions autour du futur des adaptations Marvel.
Enfin, la mise en place de cette nouvelle dynamique pourrait également influencer la façon dont les fans perçoivent les productions à venir. L’audace de Deadpool & Wolverine offre un cadre où la franchise pourrait s’autoriser davantage d’expérimentations, quitte à perdre certains spectateurs attachés à une narration plus classique.