The Housemaid : Sydney Sweeney et Amanda Seyfried brillent dans le drame intense et captivant de Paul Feig

Il y a des cinéastes dont on croit connaître les réflexes, les tics, les zones de confort. Et puis un film arrive qui déplace la focale, non pas en reniant une identité, mais en l’obligeant à se discipliner. The Housemaid appartient à cette catégorie rare : un thriller domestique qui tient moins par la mécanique du “twist” que par une évidence de cinéma — quand la mise en scène se met au service d’un scénario serré, le réalisateur cesse de courir derrière l’effet et commence enfin à écrire avec l’image.

Paul Feig, ou l’art de trouver sa bonne cadence

On a souvent associé Paul Feig à une comédie très “ouverte”, où l’improvisation, le bavardage et le laisser-faire avec les acteurs finissent parfois par diluer le tempo. Cette méthode peut produire des étincelles, mais elle a aussi son coût : un rythme qui s’étire, des scènes qui insistent, une sensation de film “plus long qu’il ne devrait”. À l’inverse, lorsque Feig travaille à partir d’une écriture robuste, acérée, structurée, sa mise en scène se réorganise autour d’une ligne claire. C’est précisément ce que The Housemaid confirme, comme si le réalisateur retrouvait un terrain où sa précision (souvent sous-estimée) pouvait s’exprimer pleinement.

Après A Simple Favor, où il explorait déjà une alchimie féminine ambiguë, entre jeu social et danger intime, Feig revient ici à un mode plus sombre, moins “camp”, plus frontal. Le film s’inscrit dans une tradition de thriller domestique, mais il refuse la simple coquetterie de genre : il parle de pouvoir, de classe, d’enfermement — et de la façon dont l’espace d’une maison peut devenir un théâtre mental.

Un huis clos de classe : quand la maison n’est plus un refuge

Le point de départ est simple, presque archétypal : Millie (Sydney Sweeney), femme en situation précaire et marquée par un passé judiciaire, accepte un poste de gouvernante logée dans une demeure ultra-riche, au service de Nina (Amanda Seyfried). Le film fait immédiatement sentir que l’hospitalité est un masque, et que le luxe a ses serrures — visibles et invisibles. Sans dévoiler les surprises narratives, disons que The Housemaid travaille l’idée d’une intégration impossible : entrer dans une maison, c’est entrer dans un système de règles implicites, de regards, de hiérarchies, de violences polies.

Ce qui frappe, c’est la manière dont le film rend la bourgeoisie non pas simplement “détestable”, mais organisée. Les interactions mondaines ressemblent à des procédures : on sourit, on juge, on isole, on fait circuler une rumeur comme on referme une porte. Feig filme ces micro-gestes avec une attention presque clinique : la menace se niche dans le décor, dans le protocole, dans les silences trop propres. La maison n’est pas un décor ; elle est un personnage, et peut-être même le personnage le plus honnête du récit, parce qu’elle ne prétend jamais aimer qui que ce soit.

Sydney Sweeney : une présence terrienne, une vulnérabilité contrôlée

Sydney Sweeney apporte à Millie une matérialité précieuse : un corps fatigué, une vigilance de tous les instants, une économie de mots qui laisse passer l’essentiel. Son interprétation évite la victimisation appuyée ; elle joue plutôt une forme de pragmatisme brut, celui qu’on adopte quand l’échec n’est plus une idée abstraite mais une expérience récurrente. Le film la suit au plus près, et l’on comprend que son enjeu n’est pas seulement de “tenir” un emploi, mais de rester lisible à elle-même dans un environnement qui la réécrit.

Feig cadre souvent Millie à hauteur de regard, dans des compositions qui soulignent l’inadéquation : couloirs trop vastes, pièces trop hautes, objets trop neufs. La mise en scène fait sentir une vérité simple : la pauvreté n’est pas seulement un manque de ressources, c’est une autre relation au temps et à l’espace. Sweeney excelle à rendre cette tension, sans la sursignifier.

Amanda Seyfried : le vertige comme méthode de jeu

Amanda Seyfried, elle, joue Nina sur une ligne instable, comme un fil tendu entre charme social et effondrement intérieur. Le personnage est construit pour désorienter, et Seyfried comprend que le trouble ne vient pas d’un excès de “folie” affichée, mais d’une incohérence émotionnelle permanente : la douceur qui coupe net, la politesse qui se fissure, le rire qui ressemble à un signal d’alarme.

Son grand apport, c’est de ne jamais réduire Nina à une fonction narrative. Même quand le film s’amuse à déplacer le curseur — culpabilité, fragilité, cruauté, peur — elle conserve une densité humaine, un arrière-plan de fatigue et de solitude. Dans un genre parfois tenté par la caricature, Seyfried choisit le décalage subtil : son personnage n’est pas un monstre, mais un symptôme. Et ce symptôme, c’est celui d’un monde où le confort peut devenir une cellule.

Une alchimie à deux vitesses : conflit, miroir, contamination

Le cœur du film, c’est la relation Millie/Nina, pensée comme un duel mais aussi comme un miroir. Feig sait filmer les confrontations féminines sans les réduire à une simple rivalité “psychologique” : il y a de la classe entre elles, de l’histoire, des règles tacites, et surtout une circulation de la violence qui passe parfois par des gestes minuscules. La réussite du film est là : dans cette capacité à rendre lisible comment deux femmes peuvent se blesser, se jauger, se manipuler — tout en découvrant, à certains moments, une forme de compréhension trouble, presque interdite.

Le film laisse affleurer une idée plus rare qu’il n’y paraît : la solidarité n’est pas une posture morale, c’est un choix narratif coûteux. Elle ne “tombe” pas du ciel ; elle se construit dans un contexte où tout incite à l’isolement. Sans entrer dans les détails, The Housemaid trouve une manière assez sèche — et donc assez convaincante — de montrer comment une alliance peut naître au cœur d’un système d’abus.

Mise en scène : Feig plus sobre, plus tranchant

Ce qui surprend agréablement, c’est l’usage de la sobriété. Feig ne cherche pas à sur-dramatiser ; il installe. Le montage est plus ferme qu’à l’accoutumée, la progression mieux calibrée, et la narration sait quand accélérer ou au contraire laisser une scène respirer pour que le malaise s’installe. On sent une confiance dans l’écriture : le film n’a pas besoin d’en faire trop, parce que la situation suffit.

Il y a aussi une intelligence du basculement. Dans beaucoup de thrillers domestiques, la révélation est traitée comme un feu d’artifice final. Ici, le récit a l’audace de reconfigurer ses enjeux en cours de route, en changeant la façon dont on lit les rapports de force. Même quand on devine certaines directions (le genre a ses routes balisées), l’intérêt demeure, parce que le film soigne le “comment” plutôt que le “quoi”.

Un héritage assumé : gothique domestique et soap thriller

The Housemaid dialogue clairement avec tout un pan du cinéma et de la littérature : le gothique domestique à la Jane Eyre (la chambre, la maison, le secret), le thriller conjugal dans la lignée de Gone Girl, et ces récits où une figure “venue de l’extérieur” dérègle un foyer qui ne tenait que par le mensonge — on pense aussi au thrillers psychologiques des années 80-90, où l’intime devenait terrain d’horreur sociale. Le film emprunte, mélange, recompose ; il n’invente pas le genre, mais il l’actualise avec une attention nette aux rapports de classe et aux dynamiques d’abus.

Ce qui le distingue, c’est sa façon de traiter la richesse comme un organisme. Le luxe est filmé comme un piège moral : séduisant, lisse, lumineux, mais construit pour absorber ceux qui l’approchent. Les matériaux brillent, et c’est précisément ce brillant qui inquiète — parce qu’il renvoie une image faussement parfaite, comme un sourire trop bien tenu.

Ce qui fonctionne, ce qui résiste

Le film fonctionne d’abord par ses actrices : Sweeney et Seyfried se répondent avec une précision rare, l’une jouant l’ancrage, l’autre le vertige. Il fonctionne aussi par sa capacité à rester lisible malgré ses détours : Feig met en place une grammaire claire, et le spectateur n’a pas l’impression d’être manipulé sans raison, même quand le récit se retourne.

Ce qui peut diviser, c’est justement cette appartenance à une famille de récits très identifiée. Certains rebondissements pourront sembler familiers à celles et ceux qui consomment beaucoup de thrillers domestiques. Mais la familiarité n’est pas forcément un défaut : tout dépend de la tenue, du rythme, et de la manière dont le film transforme une figure connue en expérience de cinéma. Ici, l’exécution reste suffisamment ferme pour que le plaisir ne dépende pas uniquement de la surprise.

Une fin ouverte, et une question sur la trajectoire de Feig

Dans la filmographie de Feig, The Housemaid ressemble moins à une parenthèse qu’à un réajustement. Il y a, dans ce film, la preuve qu’il est à son meilleur lorsqu’il dirige une histoire qui le contraint, le canalise, l’empêche de se réfugier dans la dispersion. Et si l’on sort du film avec une curiosité intacte, c’est parce qu’il laisse une question en suspens : Feig n’est-il pas, au fond, plus passionnant quand il met son sens du spectacle au service de fables sombres, où la comédie n’est plus un objectif mais un résidu acide, une ironie de situation ?

Pour prolonger cette envie de circulation entre œuvres et récits populaires — et garder le regard en mouvement, comme on le fait après un film qui travaille encore — on peut aussi parcourir, en parallèle, ces lectures autour d’autres imaginaires de franchise, de série et de destin romanesque : https://www.nrmagazine.com/indestructibles-3-date-casting/, https://www.nrmagazine.com/skeleton-crew-conclusion-star-wars/, https://www.nrmagazine.com/daredevil-saison-2-date-diffusion/, https://www.nrmagazine.com/destin-tragique-sunshine/, https://www.nrmagazine.com/comment-regarder-springsteen-deliver-me-from-nowhere-depuis-chez-soi/.

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