Star Trek : Strange New Worlds accueille un acteur de Marvel dans le rôle du Dr Leonard ‘Bones’ McCoy

Star Trek : Strange New Worlds accueille un acteur de Marvel dans le rôle du Dr Leonard “Bones” McCoy

Il y a, dans chaque recasting, une promesse et un risque. La promesse, c’est de rendre vivant un personnage que l’on croyait fixé à jamais dans une silhouette, une voix, un tempo de répliques. Le risque, c’est de confondre l’icône avec son empreinte. En annonçant l’arrivée de Thomas Jane—visage familier des amateurs de cinéma d’action et de l’univers Marvel via The Punisher—dans le rôle du Dr Leonard “Bones” McCoy, Star Trek : Strange New Worlds rejoue ce dilemme à grande échelle, avec une subtilité potentielle : ce Bones-là n’est pas encore tout à fait celui de nos souvenirs, mais il devra déjà en porter l’ombre.

Un préquel qui avance à découvert, entre fidélité et relecture

Strange New Worlds s’est imposée comme une série préquelle qui a compris une chose essentielle : dans Star Trek, la nostalgie ne suffit pas. Il faut une mécanique de narration, un sens du rythme, et surtout un rapport juste à l’héritage. La série a progressivement installé une stratégie de casting “à l’ancienne”, en intégrant des figures clés de The Original Series sans précipitation, comme on ajoute des instruments à un orchestre déjà accordé. Après Ethan Peck en Spock, Celia Rose Gooding en Uhura, Paul Wesley en Kirk, et plus récemment Martin Quinn en Montgomery Scott, l’arrivée annoncée de Hikaru Sulu et de Bones paraît presque logique… mais elle arrive avec une contrainte de taille : leur apparition serait cantonnée au final de la saison 5, qui est aussi présentée comme la dernière saison.

Ce détail de calendrier change tout. Un personnage n’existe pas seulement par son costume ou ses répliques, mais par la durée : le temps passé à l’écran, la cadence des scènes, les frottements répétés avec les autres. Introduire McCoy dans un épisode final, c’est faire un geste de cinéma plus que de série : une entrée-signe, un seuil narratif, presque un carton de fin qui dirait “la suite, vous la connaissez”.

Kai Murakami en Sulu, Thomas Jane en McCoy : deux choix, deux philosophies

Le casting de Kai Murakami en Sulu intrigue par son profil : un acteur nourri de scène, passé par un travail exigeant du corps et de la diction, et familier de la performance capture dans le jeu vidéo. C’est un parcours qui peut épouser la précision “fonctionnelle” de l’univers Trek : des gestes lisibles, une autorité calme, une présence qui sert le cadre plus qu’elle ne l’envahit.

La nomination de Thomas Jane, elle, active un autre imaginaire. Jane porte avec lui une mémoire de rôles taillés dans le doute, le durcissement, parfois la fissure morale. Le public qui l’associe à The Punisher n’attend pas un médecin aimable : il attend un homme qui encaisse et qui répond. Or Bones, dans sa version classique, est précisément cela : un praticien brillant, bougon, souvent exaspéré par l’idéalisme scientifique ou les abstractions vulcaniennes, mais profondément humain. Un personnage de friction, un générateur de rythme.

Bones McCoy : un rôle de montage, pas seulement un rôle de dialogue

On se souvient de McCoy pour ses piques, ses emportements, sa manière de ramener les dilemmes cosmiques à la peau, au souffle, au corps. Mais le personnage fonctionne surtout comme principe de montage interne : il casse la solennité, relance une scène, redistribue l’attention. À l’échelle d’un épisode, Bones est une coupe franche au milieu d’un discours trop lisse. À l’échelle d’une série, c’est un correctif humaniste, parfois réactionnaire au bon sens du terme : celui qui refuse que l’éthique soit diluée dans la procédure.

L’intérêt de Thomas Jane, si l’écriture lui donne du grain, serait d’éviter le piège de l’imitation. Un Bones “copié” se verrait immédiatement. Un Bones “recomposé” peut, en revanche, retrouver l’esprit du personnage : l’impatience empathique, l’ironie comme mécanisme de défense, la tendresse sous le reproche. Tout dépendra de la direction d’acteur et—détail souvent sous-estimé—de la musicalité des échanges. Bones est un personnage qui vit dans les reprises, les silences, les interruptions. Il faut un acteur qui sache “mordre” une réplique sans la surjouer.

Ce que la série gagne à retarder l’arrivée de McCoy

Faire entrer McCoy à la toute fin n’est pas seulement un cadeau aux fans : c’est un choix de dramaturgie. Jusqu’ici, Strange New Worlds a trouvé sa respiration dans un équilibre entre aventure hebdomadaire et feuilleton discret. En gardant Bones en réserve, la série évite de trop refermer son récit sur le musée de The Original Series. Elle conserve un espace pour les personnages déjà installés, et pour l’identité propre du show.

Mais l’effet boomerang est réel : si McCoy n’apparaît qu’en conclusion, il doit être compris immédiatement. C’est une écriture de l’ellipse, presque un art du portrait en quelques plans. On peut imaginer une entrée en matière conçue comme un plan-séquence de caractère : un geste médical, une réplique sèche, puis une réaction de Spock ou de Kirk qui confirme au spectateur que la dynamique mythique est en place.

La tentation “Year One” : un final qui ressemble à un pilote déguisé

Derrière l’annonce se dessine une hypothèse industrielle et narrative : terminer Strange New Worlds au moment où Kirk prend vraiment les commandes, et ouvrir la porte à une suite potentielle—souvent évoquée—qui couvrirait les “années manquantes” de l’équipage classique. L’idée d’un Star Trek : Year One (ou équivalent) plane comme un prolongement naturel : non pas refaire The Original Series, mais exploiter ce que la série d’origine n’a pas toujours eu le temps de développer, avec la grammaire contemporaine (durées, densité émotionnelle, arcs plus longs).

Dans une logique de cinéma, c’est le vieux procédé du final qui sert de rampe de lancement. On ferme une histoire, mais on cadre déjà la suivante. La présence de McCoy et Sulu en toute fin ressemble alors moins à un simple clin d’œil qu’à un geste de “casting manifeste” : les pièces sont en place, la table est dressée, reste à savoir si l’on servira le repas.

Le recasting comme sport de combat : un rituel Trek, pas un accident

La franchise Star Trek a toujours entretenu une relation paradoxale à ses propres figures : elle célèbre l’exploration de l’inconnu, mais elle demande à ses personnages d’être reconnus au premier regard. Chaque recasting relance donc un débat presque rituel : “est-ce bien lui ?” La question est légitime, mais elle peut être mal posée. Au cinéma comme en série, l’enjeu n’est pas de reproduire une performance passée ; l’enjeu est d’atteindre la même fonction dramatique avec une sensibilité nouvelle.

Pour mesurer ce que signifie “incarner” une icône sans la momifier, on peut s’amuser à comparer les variations d’un même personnage à travers les époques, comme on compare des interprétations théâtrales d’un rôle classique. Ce n’est pas un hasard si Murakami vient du théâtre : l’art de reprendre un rôle sans l’annuler est un savoir-faire de plateau avant d’être un argument marketing.

Échos de pop culture : de Punisher à Starfleet, un même visage, deux morales

Voir Thomas Jane passer d’un justicier violent à un médecin de bord pourrait sembler anecdotique, mais c’est aussi une bascule de mise en scène morale. Dans The Punisher, le corps est une arme et le cadre est souvent un dispositif de tension. Dans Star Trek, le corps est un territoire à soigner, à comprendre, parfois à réconcilier avec l’altérité. Si Jane réussit, ce sera peut-être en gardant une part de dureté—non pas comme agressivité, mais comme lucidité : un médecin qui a vu trop de dégâts pour croire aux solutions simples.

À titre de parallèle, l’imaginaire d’espionnage et de paranoïa technologique qu’on associe aux grandes machines contemporaines (les récits “opératifs” à la Bourne, par exemple) n’est pas si éloigné de certaines tensions Star Trek : surveillance, protocoles, secret, enjeux géopolitiques transposés. Pour prolonger cette idée dans un registre plus “action”, on peut jeter un œil à cette sélection autour de la saga, utile pour comprendre comment une héroïsation moderne peut écraser—ou révéler—la dimension humaine d’un protagoniste : https://www.nrmagazine.com/films-jason-bourne/.

Ce que cela dit de Strange New Worlds : une série qui fabrique de la continuité

Ce que j’apprécie dans la démarche de Strange New Worlds, c’est qu’elle semble comprendre la continuité non comme une chronologie figée, mais comme un langage. Reprendre Spock, Uhura, Kirk, Scotty—et demain McCoy, Sulu—ce n’est pas cocher une liste ; c’est tenter de reconstituer une alchimie de jeu, une circulation des regards, un tempo d’équipe. La série se comporte comme un atelier : elle teste des équilibres à l’image, elle ajuste les intensités, elle cherche moins la citation que la “texture” d’époque.

Les fans qui aiment replacer les œuvres dans une histoire télévisuelle plus large trouveront aussi un plaisir à relier Strange New Worlds à d’autres jalons de la série moderne, et même à la culture sérielle en général. Pour une mise en perspective sur la façon dont certaines fictions deviennent des repères collectifs, cette lecture transversale peut alimenter le regard : https://www.nrmagazine.com/series-emblematiques-90/.

Références, clins d’œil, et le danger du mimétisme

Le fan service, quand il est paresseux, fige la mise en scène : il pointe du doigt au lieu de raconter. Or Strange New Worlds a plutôt cherché jusqu’ici à faire exister ses références comme des éléments de dramaturgie, pas comme des slogans. L’arrivée de Bones sera donc un test : la série peut-elle introduire une figure culte sans se contenter de la mettre sous vitrine ?

Pour sentir à quel point un “choix” de fan n’est jamais neutre, on peut s’amuser de la manière dont les acteurs eux-mêmes déclarent leurs préférences Trek, révélant au passage une hiérarchie intime des œuvres. À ce sujet, cette évocation d’un choix de film préféré par Paul Giamatti est intéressante à lire en creux : https://www.nrmagazine.com/star-paul-giamatti-revele-son-film-star-trek-prefere-un-choix-qui-ne-vous-surprendra-pas/.

Un regard de cinéphile : l’importance de la direction d’acteur dans un univers codé

Dans un univers aussi codé que Star Trek, l’acteur ne “joue” pas seulement un personnage : il joue aussi une place dans un dispositif. Le pont de l’Enterprise est une scène, au sens théâtral. La caméra y capture des rapports de pouvoir, des lignes de regard, des silences de décision. McCoy y est le trouble-fête nécessaire, celui qui décentre la souveraineté du commandement en rappelant que chaque ordre a une conséquence sur des vies.

Si Thomas Jane est bien dirigé, on peut espérer un Bones moins “caricature grognon” et plus “aiguillon éthique”. Le danger serait de n’en garder que la surface : la grimace, la réplique sèche, l’exaspération. La réussite, elle, tiendrait à un détail plus rare : un regard qui juge, puis un regard qui cède, parce que soigner oblige parfois à comprendre ce qu’on désapprouve.

La question qui reste : un adieu, ou un passage de relais ?

Le fait que Sulu et McCoy n’arrivent qu’au dernier épisode ouvre une lecture ambivalente. Soit la série assume un final comme on terminerait un film : un dernier mouvement qui raccorde l’histoire à la légende. Soit elle prépare, à travers ce casting, une continuité possible—un récit “après” qui laisserait enfin respirer l’équipage classique dans un espace inédit, sans l’obligation de répéter chaque épisode de la série originelle.

Entre ces deux options, il y a un terrain passionnant : celui d’une franchise qui se demande comment raconter encore, sans se contenter de rejouer. Et au milieu de cette question, un médecin bougon s’apprête à entrer dans le cadre, tricorder à la main, avec le visage d’un acteur qu’on n’attendait pas forcément là—preuve que, même dans une mythologie ultra-balisée, le casting peut encore produire un petit choc de récit.

Pour rester dans cette idée de circulation des genres et des sensibilités—et parce que la culture série fonctionne aussi par ponts inattendus—on peut noter à quel point les publics d’aujourd’hui naviguent d’une esthétique à l’autre, parfois très loin du space opera. Ce détour, à sa manière, aide à comprendre comment une œuvre se recontextualise dans un paysage d’offres pléthorique : https://www.nrmagazine.com/meilleures-series-yaoi-boys-love/.

Et si l’on veut revenir au plaisir premier du regard critique—celui qui observe comment une mise en scène porte un corps, une voix, une présence—il est toujours stimulant de se confronter à des œuvres où le jeu d’acteur et la forme musicale ou chorégraphique déplacent la perception. À ce titre, cette critique d’un film porté par Amanda Seyfried offre un contrechamp utile sur la notion d’incarnation : https://www.nrmagazine.com/critique-de-the-testament-of-ann-lee-amanda-seyfried-brille-de-mille-feux-dans-ce-musical-epoustouflant/.

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