Maternage proximal : pourquoi cette pratique divise-t-elle autant ?
Le maternage proximal, aussi appelé parentalité proximale ou attachment parenting en anglais, est une approche de l’éducation des jeunes enfants qui suscite de nombreux débats. Basée sur la théorie de l’attachement, cette méthode prône une grande proximité physique et émotionnelle entre les parents et leurs bébés. Mais ses pratiques comme l’allaitement prolongé, le portage ou le cododo divisent profondément l’opinion. Plongée au cœur de cette philosophie parentale controversée pour comprendre ses fondements, ses avantages potentiels et les critiques qu’elle soulève.
Les fondements du maternage proximal
Le maternage proximal s’appuie sur plusieurs concepts théoriques et pratiques :
La théorie de l’attachement
Élaborée dans les années 1950 par le psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby, la théorie de l’attachement postule que le jeune enfant a un besoin biologique inné de proximité avec une figure d’attachement (généralement la mère) pour assurer sa survie et son développement. Un attachement sécure serait la base d’un développement psychologique et émotionnel sain.
Le concept de période sensible
Les partisans du maternage proximal considèrent qu’il existe une “période sensible” dans les premières années de vie pendant laquelle l’enfant a un besoin accru de proximité physique et émotionnelle. Répondre à ce besoin permettrait de favoriser un attachement sécure.
L’importance du contact physique
Le contact peau à peau fréquent est vu comme essentiel au bon développement du bébé. Il favoriserait la régulation physiologique, la sécrétion d’hormones comme l’ocytocine et le bon développement cérébral.
La réponse aux besoins
Plutôt que de laisser pleurer les bébés ou de leur imposer des routines strictes, le maternage proximal préconise de répondre rapidement à leurs besoins (faim, sommeil, réconfort) pour leur apporter sécurité et confiance.
Les principales pratiques du maternage proximal
Concrètement, le maternage proximal se traduit par plusieurs pratiques caractéristiques :
L’allaitement à la demande et prolongé
L’allaitement maternel est encouragé aussi longtemps que la mère et l’enfant le souhaitent, parfois jusqu’à 3-4 ans voire plus. Les tétées sont données à la demande, sans restrictions.
Le portage physiologique
Les bébés sont portés fréquemment contre le corps du parent, à l’aide d’écharpes ou de porte-bébés physiologiques. Le portage est vu comme un moyen de répondre aux besoins de proximité du bébé.
Le sommeil partagé
Le cododo (bébé dormant dans la chambre des parents voire dans leur lit) est pratiqué pour faciliter l’allaitement nocturne et rassurer l’enfant. Il peut se prolonger plusieurs années.
Le maternage intensif
Les parents, en particulier la mère, sont très présents et disponibles pour répondre aux besoins de l’enfant. Le congé parental prolongé est encouragé.
La diversification alimentaire menée par l’enfant
L’introduction des solides se fait en laissant le bébé explorer librement les aliments, sans forcer ou imposer de purées.
L’évitement des pleurs
Les parents s’efforcent de répondre rapidement aux pleurs du bébé plutôt que de le laisser pleurer seul.
L’éducation bienveillante
Une approche non punitive de l’éducation est privilégiée, basée sur l’empathie et la communication positive.
Pratique | Principe | Avantages supposés |
---|---|---|
Allaitement prolongé | Allaiter à la demande, souvent jusqu’à 2-4 ans | Meilleure nutrition, immunité, attachement mère-enfant |
Portage physiologique | Porter fréquemment le bébé contre soi | Réconfort, régulation physiologique, développement moteur |
Cododo | Dormir avec le bébé | Facilite l’allaitement, rassure l’enfant |
Réponse aux pleurs | Réagir rapidement aux pleurs du bébé | Sécurité affective, régulation du stress |
Les avantages potentiels du maternage proximal
Les défenseurs du maternage proximal mettent en avant de nombreux bénéfices pour le développement et le bien-être de l’enfant :
Un attachement sécure
En répondant de manière cohérente et sensible aux besoins du bébé, le maternage proximal favoriserait un attachement sécure. Cela permettrait à l’enfant de développer une bonne estime de soi et des relations saines.
Une meilleure régulation émotionnelle
La proximité physique et la réponse rapide aux pleurs aideraient le bébé à mieux réguler son stress et ses émotions. Cela pourrait avoir des effets positifs à long terme sur la gestion du stress.
Un développement cognitif optimisé
Le portage et les interactions fréquentes stimuleraient le développement cérébral du bébé. L’allaitement prolongé apporterait des nutriments bénéfiques pour le cerveau.
Une meilleure santé physique
L’allaitement prolongé renforcerait l’immunité du bébé. Le portage favoriserait un bon développement moteur et postural.
Un sommeil de meilleure qualité
Le cododo permettrait à toute la famille de mieux dormir en facilitant l’allaitement nocturne et en rassurant l’enfant.
Une relation parent-enfant plus forte
La proximité physique et émotionnelle renforcerait les liens d’attachement entre parents et enfants.
Un développement de l’autonomie
Contrairement aux idées reçues, répondre aux besoins de proximité du jeune enfant favoriserait son autonomie future en lui donnant confiance en lui.
Les critiques et controverses autour du maternage proximal
Malgré ses avantages potentiels, le maternage proximal fait l’objet de nombreuses critiques :
Un risque d’épuisement parental
La disponibilité constante demandée aux parents, en particulier à la mère, peut mener à l’épuisement physique et émotionnel.
Des difficultés pour le couple
Le cododo et l’attention intense portée à l’enfant peuvent nuire à l’intimité du couple et créer des tensions.
Un frein à l’autonomie de l’enfant
Certains craignent que trop de proximité empêche l’enfant de développer son autonomie et sa capacité à être seul.
Des risques pour la santé
Le cododo est parfois accusé d’augmenter les risques de mort subite du nourrisson. L’allaitement prolongé pose la question des carences nutritionnelles.
Une pression excessive sur les mères
Le maternage proximal est vu par certains comme une injonction supplémentaire pesant sur les femmes, les culpabilisant si elles ne peuvent/veulent pas le pratiquer.
Un modèle difficilement compatible avec la vie professionnelle
La disponibilité demandée par le maternage proximal est difficile à concilier avec un emploi à temps plein.
Un manque de preuves scientifiques
Les bénéfices du maternage proximal manquent parfois de preuves scientifiques solides selon ses détracteurs.
Critique | Argument | Contre-argument des défenseurs |
---|---|---|
Épuisement parental | Disponibilité constante épuisante | Pratiques adaptables, soutien mutuel des parents |
Frein à l’autonomie | Surprotection de l’enfant | La sécurité affective favorise l’autonomie future |
Risques santé (cododo) | Augmentation mort subite du nourrisson | Risques limités si précautions respectées |
Pression sur les mères | Culpabilisation des mères ne le pratiquant pas | Liberté de choix, implication des pères encouragée |
Le maternage proximal dans différentes cultures
La vision du maternage proximal varie grandement selon les cultures :
Dans les sociétés traditionnelles
De nombreuses pratiques du maternage proximal (portage, allaitement prolongé, cododo) sont la norme dans beaucoup de sociétés traditionnelles en Afrique, Asie ou Amérique latine. Elles sont vues comme naturelles et bénéfiques.
Dans les pays nordiques
Les pays scandinaves ont intégré certains aspects du maternage proximal dans leurs politiques publiques, avec des congés parentaux longs et un soutien à l’allaitement. Le cododo y est toutefois déconseillé.
Aux États-Unis
Le mouvement du maternage proximal s’est beaucoup développé aux États-Unis sous l’impulsion du Dr Sears. Il reste cependant minoritaire et controversé.
En France
La France reste assez réticente au maternage proximal, perçu comme excessif. L’allaitement y est peu pratiqué comparé à d’autres pays européens. Le cododo est fortement déconseillé.
Au Japon
Le cododo est une pratique traditionnelle au Japon. L’allaitement prolongé et le portage y sont aussi courants, sans être théorisés comme “maternage proximal”.
Comment pratiquer un maternage proximal équilibré ?
Pour ceux qui souhaitent s’inspirer du maternage proximal sans tomber dans les excès, voici quelques pistes :
Adapter les pratiques à sa situation
Il n’est pas nécessaire d’appliquer toutes les pratiques du maternage proximal. Chaque famille peut piocher ce qui lui convient selon ses contraintes et envies.
Impliquer les deux parents
Le maternage proximal ne doit pas reposer uniquement sur la mère. Le père peut participer activement au portage, aux soins, etc.
Rester à l’écoute de ses limites
Il est important de savoir dire stop si une pratique devient trop pesante. Le bien-être des parents est essentiel pour celui de l’enfant.
Préparer progressivement l’autonomie
Tout en répondant aux besoins de proximité du jeune enfant, on peut l’encourager progressivement à développer son autonomie.
Garder un esprit critique
Il faut rester vigilant face aux injonctions et garder un regard critique sur les pratiques proposées.
Consulter des professionnels
En cas de doute, il ne faut pas hésiter à demander conseil à des professionnels de santé (pédiatre, sage-femme, etc.).
Témoignages de parents sur le maternage proximal
Voici quelques témoignages illustrant la diversité des expériences :
Sarah, maman de deux enfants
“Le maternage proximal a été une révélation pour moi. Porter mes bébés, les allaiter à la demande, dormir avec eux m’a paru naturel et m’a permis de créer un lien fort. Mais j’ai dû apprendre à poser des limites pour ne pas m’épuiser.”
Marc, père d’un garçon de 3 ans
“Au début j’étais sceptique face au cododo et à l’allaitement prolongé. Mais j’ai vu à quel point ça apaisait notre fils. J’ai appris à trouver ma place, notamment par le portage. Aujourd’hui notre fils est serein et indépendant.”
Amina, maman solo d’une fille de 18 mois
“En tant que mère célibataire qui travaille, je ne peux pas pratiquer un maternage proximal à 100%. Mais je porte beaucoup ma fille le soir et le week-end, je l’allaite encore et on dort ensemble.”