
Les interrupteurs récalcitrants, les pannes soudaines, tout le monde s’en remet à leur expertise. Les électriciens jonglent entre plans complexes et chantiers imprévisibles. Mais combien ce savoir-faire rapporte-t-il vraiment ? Le chiffre surprend parfois, surtout à l’heure des évolutions du secteur.

On entre rarement dans un appartement, une usine ou un bureau sans, un jour ou l’autre, tomber sur un câble détendu, un tableau à moitié ouvert, l’amas de prises qui attend une réanimation. Derrière ce fouillis sous tension, il y a un électricien. Ce que fait ce professionnel n’est jamais abstrait : il lit, il installe, il répare. Tout part du plan, mais tout se termine avec le détail invisible qui fait éviter bien des soucis.
Ce qui revient le plus souvent, lorsqu’on tire le fil du métier, c’est la question du revenu. Pas simple de sortir une moyenne, tant les situations varient. Dans le secteur privé, un jeune électricien gagne souvent autour de 1 800 à 2 000 euros bruts, parfois moins, parfois plus, selon la région ou la taille de la boîte. L’écart se creuse vite : certains peuvent, au fil des ans et avec les bonnes spécialisations, atteindre 3 000 euros et au-delà.
Quand l’électricien travaille dans le public, la règle du jeu obéit aux grilles de salaires de la fonction territoriale. Début à 1 500 euros bruts, progression calme mais réelle… Et puis, il y a cette zone grise : l’indépendant, l’artisan qui gère ses contrats, ses horaires, ses clients. Là, tout dépend du nombre d’interventions, des factures réglées dans les temps, des heures avalées le soir ou le week-end. Les moyennes perdent alors toute fiabilité.
On s’imagine parfois qu’être électricien, c’est faire et refaire le même geste, la tête dans l’armoire fusible. C’est réducteur. Lire et interpréter un schéma électrique, connaître les normes changeantes, comprendre la domotique à la mode, savoir jongler entre sécurité, dépannage express et rénovation d’un tableau datant de l’après-guerre… Rien n’est figé. On le sent tout de suite : il y a le goût du travail net, l’obsession du raccord fiable et de la prise qui ne saute pas.
Souvent, la croyance populaire voudrait que l’électricité soit “automatique” : une fois installée, ça roule. Faux confort. Une installation mal faite aujourd’hui, c’est un court-circuit possible demain. Et du côté de la paye, l’image du petit bricoleur sous-payé est tout aussi réductrice. Beaucoup d’électriciens spécialisés n’ont rien à envier aux techniciens de l’industrie.
Ce que peu de gens voient : la vulnérabilité dans un métier exposé. Pression sur les salaires, missions périlleuses en hauteur ou dans l’urgence, entorses au dos ou coups de jus… Parfois, tout tombe le même mois : charges qui grimpent, matériel à renouveler, client qui ne paie pas. C’est là que ça devient intéressant. Derrière le métier, anxiété intermittente, sentiment de ne jamais dormir sur ses deux oreilles. Surtout pour les indépendants.
Un électricien de 28 ans, croisé sur un chantier de rénovation tertiaire à Lyon. Fraîchement sorti d’un bac pro, il débute à 1 950 euros bruts. Deux ans plus tard, le voilà sur des tableaux complexes – domotique, alarmes, mises aux normes BTP : 2 500 euros. Mais le week-end, il “fait du noir” pour arrondir. Là, c’est autre chose, hors grille, pas toujours quelque chose dont on parle.
On ne reste pas toujours toute sa vie “au bout du fil”. Avec le temps, certains passent chef d’équipe, gestionnaire de chantiers, formateur en CFA, ou s’orientent vers le technico-commercial. D’autres créent leur boîte. Nouvelles responsabilités, nouveaux revenus : ici, c’est la capacité à s’adapter aux besoins et à se former sans cesse qui fait la différence.
La tentation est grande de fixer un montant, comme si le salaire d’un électricien était une science exacte. Mais des milliers d’éléments brouillent les pistes : la technicité, la région, l’ancienneté, mais aussi, et surtout, la capacité à flairer les bonnes affaires ou à tisser le bon réseau. Ce qui est étrange, c’est que deux voisins de chantier peuvent faire le même métier, et finir le mois chacun sur une réalité bien différente.
Ce que la feuille de paye ne raconte jamais, c’est l’exigence du geste, la conscience de la sécurité. L’argent vient, progresse, stagne parfois, redécolle avec une formation, recule lors d’une mauvaise passe. Le fil rouge reste la polyvalence : ne jamais se laisser surprendre, rester attentif à l’évolution du métier.
En réalité, sous le néon blafard d’un local technique, on sent que le revenu ne dit pas tout – c’est le sérieux, invisible, qui paie à long terme.