
Les clowns ont envahi l’univers horrifique depuis plusieurs décennies, transformant ces figures autrefois joyeuses en cauchemars ambulants. Avec l’arrivée récente de Terrifier 3 et Joker 2 au box-office d’octobre 2024, la tendance des scary clowns continue de séduire les spectateurs avides de frissons. Cette fascination pour les clowns maléfiques trouve ses racines tant dans les affaires criminelles réelles comme celle de John Wayne Gacy que dans l’imaginaire littéraire de Stephen King. De Pennywise à Art le Clown, ces personnages dénaturent le symbole enfantin pour l’amener vers les recoins les plus sombres de l’horreur, jouant sur cette frontière trouble entre le rire et l’effroi qui caractérise si bien la figure du clown.
La coulrophobie, cette peur irrationnelle des clowns, n’est pas apparue par hasard dans notre société. Bien que ces personnages soient initialement destinés à faire rire, leur apparence exagérée franchit souvent ce que les psychologues appellent la “vallée de l’étrange” – cette zone inconfortable où quelque chose ressemble presque à un humain, mais pas tout à fait.
Le cinéma d’horreur a parfaitement saisi ce potentiel effrayant dès les années 1970-1980. L’affaire John Wayne Gacy, ce tueur en série américain qui se déguisait en “Pogo le clown” pour divertir les enfants avant de commettre ses crimes, a considérablement influencé cette perception négative. Cette histoire vraie a servi de terreau fertile pour de nombreux réalisateurs.
Stephen King, maître de l’horreur littéraire, a définitivement ancré cette figure dans le registre de l’épouvante avec son roman “It” publié en 1986. La créature démoniaque Pennywise y adopte l’apparence d’un clown pour attirer ses jeunes victimes, exploitant parfaitement l’ambiguïté inhérente à ce personnage.
L’évolution du clown terrifiant au cinéma suit une trajectoire fascinante qui reflète les angoisses sociétales de chaque époque :
Cette évolution n’est pas un simple hasard. Elle correspond à une transformation de notre rapport au divertissement et aux figures d’autorité. Le clown, autrefois symbole de joie dans les cirques familiaux, est devenu le reflet déformé d’une société de plus en plus méfiante envers les apparences.
| Période | Type de clown dominant | Exemples emblématiques | Caractéristiques principales |
|---|---|---|---|
| 1960-1970 | Le fou criminel | The Joker (Batman) | Intelligence machiavélique, chaos organisé |
| 1980-1990 | L’entité surnaturelle | Pennywise (It) | Métamorphose, immortalité, manipulation psychologique |
| 1990-2000 | Le slasher clownesque | Killers Klowns, Captain Spaulding | Gore excessif, sadisme graphique |
| 2010-2020 | Le néo-monstre | Art (Terrifier), Twisty (AHS) | Mutisme, cruauté extrême, esthétique vintage |
| 2020+ | Le méta-clown | Joker (2019), Wrinkles | Commentaire social, réalisme psychologique |
Les réalisateurs ont progressivement affûté leur compréhension de ce qui rend les clowns si dérangeants. Ce n’est pas tant le maquillage ou le costume que cette tension entre le rire forcé et l’expression de sentiments plus sombres. Clownhouse, film controversé de 1989, explorait déjà cette dualité en montrant des patients psychiatriques échappés se déguisant en clowns.
Parmi tous les clowns terrifiants qui ont marqué l’histoire du cinéma d’horreur, Pennywise occupe une place spéciale. Créé par Stephen King dans son roman It en 1986, ce clown démoniaque incarne toutes les peurs et angoisses enfantines. Sa capacité à se métamorphoser pour exploiter les phobies de ses victimes en fait une créature particulièrement redoutable.
Sa première apparition marquante à l’écran remonte à 1990, dans la mini-série “Il” est revenu, où Tim Curry livre une interprétation glaçante. Son Pennywise, avec son maquillage relativement simple mais son jeu terrifiant, a traumatisé toute une génération de téléspectateurs. La scène du caniveau, où il attire le jeune Georgie, est devenue emblématique du genre.
En 2017 puis 2019, Andy Muschietti réinvente le personnage pour le grand écran avec Bill Skarsgård. Cette nouvelle version de Pennywise mise davantage sur une apparence distordue et des effets spéciaux impressionnants. Son visage peut se fractionner en multiples rangées de dents, et son œil qui louche ajoute une touche de malaise supplémentaire.
L’impact culturel de Pennywise dépasse largement le cadre du cinéma d’horreur. Il a profondément influencé notre perception collective des clowns :
Le succès commercial phénoménal de It (2017), qui a généré plus de 700 millions de dollars au box-office mondial, a confirmé la fascination du public pour cette figure. Cet engouement s’explique notamment par la façon dont le personnage joue sur des peurs profondément ancrées dans l’inconscient collectif.
| Version | Interprète | Particularités visuelles | Approche psychologique | Scènes emblématiques |
|---|---|---|---|---|
| Mini-série 1990 | Tim Curry | Maquillage classique, cheveux orange vif | Manipulation subtile, sadisme verbal | Scène du caniveau, bibliothèque |
| Films 2017-2019 | Bill Skarsgård | Front proéminent, yeux qui louchent, costume élisabéthain | Prédateur primaire, moins verbal, plus bestial | Projections dans la maison abandonnée, égouts |
| Adaptation indienne | Lilliput | Inspiration directe de la version Curry | Adapté aux peurs spécifiques de la culture indienne | Similaires à la version américaine mais contextualisation différente |
L’intelligence narrative de King, en créant un monstre qui se nourrit littéralement de la peur, a permis d’explorer les traumatismes d’enfance et le pouvoir de la mémoire refoulée. Pennywise n’est pas qu’un simple monstre – il est la matérialisation des peurs non confrontées qui nous poursuivent jusqu’à l’âge adulte.
Les réalisateurs qui ont adapté l’œuvre ont bien compris que la véritable horreur ne réside pas uniquement dans l’apparence du clown, mais dans ce qu’il représente : l’innocence pervertie, l’autorité qui trahit, le divertissement qui dissimule une menace mortelle.
L’une des variantes les plus délirantes du clown horrifique est sans conteste le clown extraterrestre. Ces créatures venues d’ailleurs qui adoptent l’apparence de clowns pour mieux piéger leurs victimes humaines offrent un terrain de jeu particulièrement fertile pour les cinéastes désireux de pousser les limites du genre.
Le film emblématique de cette tendance reste Killer Klowns from Outer Space (1988), véritable ovni cinématographique des frères Chiodo. Cette œuvre culte mélange horreur, science-fiction et humour noir dans un cocktail visuel délirant. Les extraterrestres y ont naturellement l’apparence de clowns difformes aux proportions grotesques, et utilisent des techniques de cirque létales pour capturer leurs proies : pistolets à pop-corn transformant les humains en cocons de barbe à papa, chiens-ballons animés, ou encore ombres chinoises meurtrières.
L’aspect génial de Killer Klowns réside dans sa cohérence interne : chaque élément traditionnel du cirque est détourné pour devenir un instrument de mort. La tente de cirque est un vaisseau spatial, les clowns sont des prédateurs biologiques, et même leur nourriture favorite (la crème glacée) n’est autre que des humains liquéfiés.
Ce film a durablement marqué la culture populaire malgré son statut de série B. Voici pourquoi son impact perdure :
L’héritage de Killer Klowns from Outer Space se manifeste dans de nombreuses œuvres ultérieures. Des films comme Clownado (2019) ou Circus Kane (2017) s’inspirent directement de son approche délibérément excessive, bien que sans atteindre sa créativité visuelle.
| Film | Année | Type de clowns | Particularités | Niveau de gore |
|---|---|---|---|---|
| Killer Klowns from Outer Space | 1988 | Extraterrestres | Armes basées sur les accessoires de cirque | Modéré mais créatif |
| Clownado | 2019 | Démons météorologiques | Voyagent dans des tornades | Excessif et gratuit |
| Clown (2014) | 2014 | Entité démoniaque | Transformation progressive du corps humain | Intense et psychologique |
| Hell House LLC | 2015 | Mannequins possédés | Found footage dans une maison hantée | Suggéré plutôt que montré |
Un autre aspect fascinant de cette tendance est l’utilisation d’éléments surnaturels pour expliquer la nature maléfique des clowns. Dans Clown (2014), produit par Eli Roth, un costume de clown maudit fusionne littéralement avec son porteur, transformant progressivement un père de famille ordinaire en créature monstrueuse avide de chair enfantine. Cette approche body horror rappelle les meilleurs films de Cronenberg.
La trilogie Hell House LLC (2015-2019) utilise quant à elle des mannequins de clowns qui se déplacent mystérieusement dans une maison hantée, jouant brillamment sur la peur des objets inanimés qui s’animent. L’utilisation du format found footage y renforce l’impression de témoignage authentique face à l’horreur.
La dernière décennie a vu émerger une nouvelle figure emblématique dans le panthéon des clowns horrifiques : Art the Clown. Créé par le réalisateur Damien Leone, ce personnage silencieux au maquillage noir et blanc représente l’évolution moderne du clown tueur, poussant les limites de la violence graphique à des niveaux rarement atteints au cinéma.
Apparu initialement dans des courts-métrages comme The 9th Circle (2008) puis dans l’anthologie All Hallows’ Eve (2013), Art a véritablement conquis son public avec la trilogie Terrifier. Son interprète actuel, David Howard Thornton, apporte une dimension physique exceptionnelle au personnage, s’inspirant de la gestuelle des grands maîtres du cinéma muet comme Chaplin ou Keaton pour créer un contraste saisissant avec l’ultraviolence des meurtres.
Ce qui distingue Art des autres clowns tueurs, c’est son expressivité silencieuse combinée à une cruauté sans limites. Il ne parle jamais mais communique par des mimiques exagérées, des sourires inappropriés et une gestuelle théâtrale. Cette approche mime-like n’enlève rien à sa brutalité – au contraire, elle la souligne en créant un décalage perturbant.
Le succès inattendu de la franchise Terrifier a contribué à revitaliser le sous-genre du slasher, particulièrement la variante des clowns tueurs :
Terrifier 2 (2022) a particulièrement marqué les esprits en devenant un phénomène viral, avec des récits de spectateurs s’évanouissant en salle face à la violence des scènes. Produit avec un budget modeste de 250 000 dollars, il a rapporté plus de 15 millions au box-office, un exploit pour un film indépendant sans distribution traditionnelle.
| Film | Année | Budget approximatif | Box-office | Scène la plus controversée |
|---|---|---|---|---|
| All Hallows’ Eve | 2013 | Marché direct-to-video | Torture d’une femme dans un entrepôt | |
| Terrifier | 2016 | ~ 100 000 $ | ~ 400 000 $ (VOD) | La scène du “sciage vertical” |
| Terrifier 2 | 2022 | ~ 250 000 $ | > 15 millions $ | Massacre dans la chambre de Sienna |
| Terrifier 3 | 2024 | ~ 1 million $ | En cours | Massacre de Noël (thème hivernal) |
Dans le sillage d’Art the Clown, d’autres clowns psychopathes ont émergé, comme Gags dans Gags the Clown (2018), film qui s’inspire des phénomènes réels de “clown sightings” ayant terrorisé plusieurs régions des États-Unis en 2016. Cette œuvre brouille habilement la frontière entre fiction et réalité en adoptant la structure d’un found footage.
On peut également citer Vicious Fun (2020), comédie horrifique qui replace le clown tueur dans un contexte de groupe de soutien pour tueurs en série, ou encore Wrinkles the Clown (2019), fascinant documentaire sur un homme réel qui se déguise en clown effrayant pour discipliner les enfants turbulents sur demande des parents.
Cette nouvelle génération de clowns meurtriers se distingue par une conscience méta du genre et une volonté de repousser les limites tant visuelles que narratives. Art the Clown est devenu en quelques années seulement une icône comparable à Pennywise ou au Joker, preuve que le potentiel horrifique du clown est loin d’être épuisé.
Bien qu’il ne soit pas strictement issu du cinéma d’horreur, The Joker mérite amplement sa place dans toute discussion sur les clowns terrifiants. Créé en 1940 par Bill Finger, Bob Kane et Jerry Robinson pour DC Comics, ce “Clown Prince du Crime” représente l’archétype même du chaos incarné sous les traits d’un clown dérangé.
Sa première apparition cinématographique remonte à 1966 dans le film Batman, où César Romero l’interprétait avec une exubérance presque circassienne. Mais c’est Jack Nicholson qui, en 1989, établit véritablement la dimension terrifiante du personnage dans le Batman de Tim Burton. Son interprétation mêlait le gangster violent et le clown théâtral, avec un maquillage permanent résultant d’une chute dans une cuve de produits chimiques.
La transformation la plus marquante vient cependant en 2008 avec Heath Ledger dans The Dark Knight. Son Joker anarchiste, au maquillage grossièrement appliqué et aux cicatrices faciales formant un “sourire de Glasgow”, a redéfini le personnage comme une force de la nature nihiliste. Sa performance posthume lui a valu un Oscar amplement mérité.
Chaque incarnation majeure du Joker a apporté sa propre interprétation de ce qu’un clown maléfique peut représenter :
Le film Joker (2019) de Todd Phillips, avec Joaquin Phoenix, marque un tournant fondamental. Pour la première fois, le personnage est traité comme un protagoniste dans une étude de caractère psychologique profonde, sans Batman pour lui donner la réplique. Cette approche a suscité de vives controverses mais aussi un triomphe critique et commercial, remportant le Lion d’Or à Venise et générant plus d’un milliard de dollars au box-office.
| Acteur | Film | Année | Approche du personnage | Éléments visuels distinctifs |
|---|---|---|---|---|
| César Romero | Batman (série TV et film) | 1966 | Criminel excentrique mais peu menaçant | Moustache visible sous le maquillage, costume vert vif |
| Jack Nicholson | Batman | 1989 | Gangster défiguré cherchant la vengeance | Visage blanchi chimiquement, sourire permanent |
| Heath Ledger | The Dark Knight | 2008 | Terroriste anarchiste sans origine claire | Maquillage brouillon, cicatrices faciales, vêtements usés |
| Joaquin Phoenix | Joker | 2019 | Comédien raté souffrant de troubles mentaux | Maquillage simple, costume rouge et jaune, maigreur extrême |
La dimension horrifique du Joker tient à sa capacité à refléter les anxiétés sociales de chaque époque. Si le Joker de Ledger incarnait les peurs post-11 septembre d’un terrorisme inexplicable, celui de Phoenix exprime plutôt l’angoisse face aux inégalités sociales et à l’abandon des personnes vulnérables.
Joker: Folie à Deux (2024) pousse l’exploration encore plus loin en introduisant une dimension musicale au personnage, avec l’actrice Lady Gaga incarnant une version d’Harley Quinn. Cette évolution montre à quel point le clown maléfique peut se réinventer tout en conservant son pouvoir d’effroi.
L’impact culturel du Joker dépasse largement le cadre des films de super-héros pour influencer la façon dont nous percevons la figure du clown dans son ensemble. Sa capacité à fusionner l’humour noir, la violence graphique et la critique sociale en fait peut-être le clown terrifiant le plus sophistiqué jamais créé.
La fusion entre l’univers des zombies et celui des clowns représente un croisement particulièrement dérangeant dans le cinéma d’horreur. Ces deux figures emblématiques du genre partagent d’ailleurs certaines caractéristiques : démarche particulière, apparence humaine altérée, et capacité à susciter un profond malaise. Leur combinaison était donc presque inévitable.
L’exemple le plus mémorable de cette tendance se trouve dans Zombieland (2009), où le protagoniste Columbus, déjà coulrophobe (phobique des clowns), doit affronter un zombie-clown dans un parc d’attractions lors du climax du film. Cette séquence fonctionne parfaitement car elle représente la confrontation directe du personnage avec sa peur la plus profonde, tout en offrant un moment de catharsis comique lorsqu’il parvient finalement à le vaincre.
Au-delà de cet exemple emblématique, de nombreux films à petit budget ont exploité ce filon. Clownado (2019), malgré son titre prometteur combinant clowns et tornades, présente en réalité des clowns revenus d’entre les morts pour se venger. Stitches (2012), également connu sous le titre Dark Clown en France, raconte quant à lui la résurrection d’un clown accidentellement tué lors d’une fête d’anniversaire.
L’aspect particulièrement dérangeant des clowns zombies ou possédés tient à la façon dont ils pervertissent le maquillage traditionnel :
Stitches (2012) pousse ce concept à son paroxysme avec un clown zombie capable d’utiliser ses accessoires de manière surnaturelle. Dans une scène d’anthologie, il utilise une cuillère à glace pour littéralement extraire la cervelle d’un adolescent et la servir comme dessert. Le film joue constamment sur ce détournement