Symboles féministes : décryptage de leurs origines et significations
Le mouvement féministe utilise depuis longtemps divers symboles pour transmettre ses idées et revendications. Ces emblèmes sont devenus de véritables icônes, ornant banderoles, badges et réseaux sociaux. Mais connaissez-vous vraiment leur histoire et ce qu’ils représentent ? Plongeons dans l’univers fascinant de cette imagerie militante qui a marqué l’histoire de la lutte pour les droits des femmes.
Les couleurs emblématiques du féminisme
Les couleurs ont joué un rôle crucial dans l’identité visuelle du mouvement féministe. Chacune possède une signification particulière et une histoire riche.
Le violet, couleur phare du féminisme
Le violet est aujourd’hui considéré comme la couleur du féminisme par excellence. Son utilisation remonte aux premières vagues du mouvement suffragiste au début du 20ème siècle.
Les suffragettes britanniques furent les premières à adopter officiellement cette teinte en 1908. Pour elles, le violet symbolisait la dignité et la loyauté envers la cause. Il était associé au vert (symbole d’espoir) et au blanc (pureté) pour former la palette visuelle du mouvement.
Aux États-Unis, le National Woman’s Party s’inspira de ces codes couleurs britanniques. L’organisation choisit le violet et le jaune doré comme couleurs officielles. Le violet représentait la loyauté et la constance dans la poursuite de l’objectif, tandis que le doré symbolisait « la lumière et la vie ».
Aujourd’hui, le violet reste omniprésent dans l’imagerie féministe mondiale. On le retrouve sur les logos d’associations, les affiches de manifestations et même les émojis liés au féminisme sur les réseaux sociaux.
Le blanc, symbole de pureté et de vertu
Si le violet est devenu la couleur phare du féminisme moderne, le blanc était initialement tout aussi important dans l’imagerie suffragiste.
Les militantes pour le droit de vote des femmes portaient fréquemment des robes blanches lors de leurs rassemblements et défilés. Cette couleur avait plusieurs significations :
- Elle symbolisait la pureté et la vertu des femmes
- Elle suggérait que les femmes apporteraient une influence positive et morale dans la sphère politique
- Elle permettait aux suffragettes de se démarquer visuellement dans la foule, créant un contraste saisissant avec les vêtements sombres portés par les hommes
Le blanc présentait également des avantages pratiques. Selon Sarah Gordon, conservatrice au Center for Women’s History de New York, « Les robes blanches en coton faisaient forte impression dans la foule, étaient toujours de bon goût, peu chères et faciles d’entretien« .
L’utilisation du blanc comme symbole féministe perdure encore aujourd’hui. En 2019 par exemple, de nombreuses élues démocrates américaines ont choisi de porter du blanc lors du discours sur l’état de l’Union de Donald Trump, en hommage aux suffragettes.
Le jaune doré, lumière guidant le mouvement
Associé au violet dans la palette du National Woman’s Party américain, le jaune doré avait une symbolique forte. Il représentait « la couleur de la lumière et de la vie, la torche qui guide la cause, pure et inébranlable ».
Cette teinte évoquait l’illumination et le progrès que les féministes espéraient apporter à la société. Elle symbolisait également l’énergie et la vitalité du mouvement.
Le jaune doré est moins utilisé aujourd’hui que le violet ou le blanc, mais on le retrouve encore parfois dans l’imagerie féministe, notamment aux États-Unis.
Couleur | Signification principale | Utilisation historique |
---|---|---|
Violet | Loyauté, dignité | Suffragettes britanniques et américaines |
Blanc | Pureté, vertu | Robes des suffragettes lors des manifestations |
Jaune doré | Lumière, progrès | National Woman’s Party (USA) |
Les figures et personnages emblématiques
Au-delà des couleurs, le mouvement féministe s’est doté de véritables mascottes et personnages symboliques au fil du temps. Ces figures ont contribué à forger l’identité visuelle du féminisme et à transmettre ses valeurs de manière percutante.
Rosie la riveteuse : icône de l’émancipation féminine
L’image de « Rosie la riveteuse » est probablement l’un des symboles féministes les plus connus et les plus repris à travers le monde. Cette affiche montre une ouvrière retroussant sa manche, le poing serré, avec le slogan « We Can Do It! » (Nous pouvons le faire !).
Pourtant, à l’origine, cette image n’avait rien de féministe. Créée en 1942 par l’illustrateur J. Howard Miller, elle était destinée à encourager les femmes américaines à travailler dans les usines d’armement pendant la Seconde Guerre mondiale. Son but initial était de stimuler le moral et la productivité des ouvrières.
Ce n’est que dans les années 1980 que cette affiche a été redécouverte et adoptée par le mouvement féministe. Elle est devenue un symbole puissant de l’émancipation des femmes et de leur capacité à occuper des rôles traditionnellement masculins.
Aujourd’hui, « Rosie la riveteuse » est omniprésente dans l’imagerie féministe. Son image est déclinée sur des t-shirts, des affiches, des mèmes internet… Elle incarne la force et la détermination des femmes face aux défis.
La « fille Allender » : une nouvelle image de la féministe
Dans les années 1910, le mouvement suffragiste américain était souvent caricaturé dans les médias. Les militantes étaient dépeintes comme des femmes âgées, peu attrayantes et masculines. Pour contrer ces stéréotypes négatifs, l’illustratrice Nina Allender créa un nouveau personnage : la « Allender Girl« .
Ce personnage apparaissait régulièrement dans les dessins politiques d’Allender pour le journal The Suffragist. Il représentait une jeune femme moderne, attirante et pleine d’énergie. Selon l’historienne Alice Sheppard, la « fille Allender » était « une jeune suffragette, séduisante, vigoureuse et svelte« .
Cette représentation visait à montrer que le féminisme n’était pas incompatible avec la féminité. Elle contredisait l’idée reçue selon laquelle les femmes perdraient leur charme en s’engageant politiquement.
La « fille Allender » a joué un rôle important dans l’évolution de l’image publique du mouvement suffragiste. Elle a contribué à le rendre plus attrayant pour une nouvelle génération de jeunes femmes.
Le chat : de symbole anti-féministe à emblème de la lutte
L’association entre les chats et le féminisme a une histoire complexe et fascinante. À l’origine, les chats étaient utilisés comme symboles anti-féministes.
Au 19ème siècle, les chats étaient associés aux femmes, tandis que les chiens étaient associés aux hommes. Les opposants au droit de vote des femmes utilisaient souvent des images de chats pour ridiculiser le mouvement suffragiste. Les femmes qui s’écartaient des normes sociales étaient parfois qualifiées de « chats errants ».
Cependant, les féministes ont progressivement réapproprié ce symbole. Le tournant s’est produit en 1913, lorsque le Parlement britannique a adopté une loi surnommée « Cat and Mouse Act« . Cette loi permettait de libérer temporairement les suffragettes emprisonnées lorsqu’elles faisaient une grève de la faim, puis de les réincarcérer une fois rétablies.
Les militantes ont alors adopté le chat comme symbole de leur résistance face à cette loi jugée cruelle. Le félin est devenu un emblème de la ténacité et de l’indépendance des femmes.
Aujourd’hui, les représentations de chats restent fréquentes dans l’imagerie féministe. Elles évoquent l’esprit rebelle et indépendant du mouvement.
Symbole | Origine | Signification actuelle |
---|---|---|
Rosie la riveteuse | Affiche de propagande (1942) | Force et émancipation des femmes |
« Fille Allender » | Dessins de Nina Allender (années 1910) | Féminisme moderne et attrayant |
Chat | Initialement anti-féministe, réapproprié après 1913 | Indépendance et ténacité |
Les symboles graphiques porteurs de sens
Au-delà des personnages et des couleurs, le mouvement féministe a développé tout un langage visuel fait de symboles graphiques. Ces emblèmes, souvent simples et facilement reconnaissables, sont devenus de véritables étendards de la lutte pour l’égalité des sexes.
Le poing levé dans le symbole féminin : union de la force et de la féminité
L’un des symboles féministes les plus répandus est le poing levé inséré dans le cercle surmonté d’une croix, traditionnellement utilisé pour représenter le sexe féminin. Cette image puissante combine deux éléments chargés de sens :
- Le poing levé est un symbole universel de résistance et de solidarité. Il était déjà utilisé par le mouvement ouvrier depuis les années 1930.
- Le symbole féminin (♀) est dérivé du miroir de Vénus dans la mythologie romaine. Il représente la féminité et est utilisé en biologie pour désigner le sexe féminin.
La combinaison de ces deux éléments crée une image puissante qui évoque à la fois la force, la détermination et l’identité féminine. Ce symbole a été créé en 1967 par l’écrivaine et militante américaine Robin Morgan, en collaboration avec son mari, le poète Kenneth Pitchford.
Il est apparu pour la première fois lors des protestations contre le concours de Miss America en 1968-1969. Depuis, il est devenu un emblème international du mouvement féministe, utilisé dans de nombreux pays et contextes.
Le triangle ou losange : célébration du corps féminin
Un autre symbole graphique important dans l’imagerie féministe est le triangle ou losange formé avec les doigts. Ce geste, qui évoque la forme de la vulve, est apparu au début des années 1970.
Selon l’historienne Christine Bard, ce symbole a été créé en réaction à la dimension phallique perçue du poing levé. Il visait à proposer une alternative plus spécifiquement féminine.
Le triangle/losange symbolise plusieurs concepts clés du féminisme :
- La célébration du corps féminin et de sa sexualité
- La revendication « Notre corps nous appartient« , centrale dans les luttes pour le droit à l’avortement et la liberté sexuelle
- L’idée d’une révolution non-violente, en opposition aux symboles plus agressifs comme le poing levé
Ce geste est devenu populaire dans les manifestations féministes en France et en Italie au cours des années 1970. Bien que moins utilisé aujourd’hui que le poing levé, il reste un symbole fort du mouvement féministe.
L’épingle « cellule de prison » : hommage aux militantes emprisonnées
Un symbole moins connu mais chargé d’histoire est l’épingle représentant une cellule de prison. Cette broche a une origine particulière liée à la lutte des suffragettes américaines.
Entre 1917 et 1919, des dizaines de militantes du National Woman’s Party furent emprisonnées pour avoir manifesté devant la Maison Blanche. Elles subissaient des conditions de détention difficiles, incluant l’alimentation forcée lorsqu’elles faisaient des grèves de la faim.
Pour honorer ces femmes et leur sacrifice, le National Woman’s Party créa une épingle spéciale. Elle représentait une porte de cellule de prison avec un cadenas en forme de cœur. Cette broche était remise aux militantes qui avaient été incarcérées pour la cause.
L’épingle « Jailed for Freedom » (Emprisonnée pour la liberté) s’inspirait d’un insigne similaire créé par les suffragettes britanniques.