Kate Moss, la polémique incarnée
Dans le monde de la mode, peu de personnalités soulèvent autant de passions que Kate Moss. Depuis ses débuts fracassants dans les années 90, cette Britannique a tout d’une icône : le style, l’attitude rock, les frasques médiatisées. Avec son physique atypique oscillant entre fragilité et provocation, Kate Moss a bousculé les codes et inspiré des générations. Mais au fil des années, son aura n’a cessé de se teinter de controverses. Retour sur le parcours d’une femme devenue malgré elle symbole de polémique.
L’irrévérence punk des débuts
Je me souviens encore de cette photo de Kate Moss adolescente parue dans The Face en 1990. Le regard provocant, les cheveux ébouriffés, elle incarne déjà cette insouciance punk qui deviendra sa marque de fabrique. À 16 ans à peine, la jeune fille élevée dans une banlieue modeste de Londres dérange par son allure androgyne, son corps dénué des rondeurs attendues. Son visage émacié intrigue, fascine. Certains y voient les stigmates d’une « allure d’enfant battue de la vie », un look qualifié alors de « chic héroïnomane ».
Pourtant, Calvin Klein n’hésite pas à en faire très vite son égérie dans une campagne devenue culte. Mi-érotique mi-dérangeante, la jeune fille presque nue ne laisse personne indifférent. C’est le début d’un raz-de-marée : catalogues, défilés, shootings jalonnent une ascension fulgurante qui fera rapidement de Kate Moss l’une des top-models les plus cotées au monde.
L’ombre des addictions
Mais très vite, les rumeurs d’addictions viennent ternir cette success story. Dès ses 18 ans, Kate Moss est soupçonnée de consommer alcool et drogues à l’excès. En 1998, elle est admise d’urgence dans la clinique de désintoxication Priory à Londres. Un traitement sur lequel elle ne s’étendra jamais, fidèle à son culte du mystère.
Quelques années plus tard, sa relation avec le chanteur Pete Doherty relance la polémique. Connu pour ses démêlés avec la justice liés à la drogue, le musicien officialise le retour de Kate Moss dans les excès. Leur couple fait les choux gras de la presse à scandale, avide de détails croustillants sur leurs nuits trop arrosées.
L’apogée survient en 2005. Des clichés pris à l’insu de la jeune femme la montrent semblant s’apprêter à consommer de la cocaïne. L’affaire « Cocaine Kate » éclate, poussant certaines marques comme H&M ou Chanel à rompre leurs contrats avec elle. Très vite cependant, les annonceurs réalisent l’énorme capital sympathie que dégage Kate Moss. Après quelques excuses de circonstance, les contrats commerciaux affluent à nouveau. Virgin Mobile lui offre même une campagne pub automoqueuse sur le scandale.
Année | Événement |
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1998 | Admission à la clinique Priory pour désintoxication |
2005 | Scandale « Cocaine Kate » et rupture de contrats publicitaires |
2005 | Campagne pub automoqueuse pour Virgin Mobile |
Au fil des années, Kate Moss semble avoir pris le parti d’assumer ses frasques plus que de les cacher. Comme si ces débordements participaient en réalité de son aura rebelle, de son image de rock star que les marques s’arrachent.
La polémique, une seconde nature
En 2009, c’est une citation qui remet le feu aux poudres. Interrogée par WWD sur sa devise, Kate Moss lâche cette phrase devenue culte : « Rien ne procure un sentiment aussi bon que d’être mince ». Des propos immédiatement dénoncés par les associations de lutte contre l’anorexie, choquées qu’une femme aussi influente cautionned’emblée le culte de la maigreur.
L’année suivante, ce sont ses mémoires autobiographiques qui déclenchent un nouveau tollé. Dans un passage, Kate Moss évoque avoir été informée à 18 ans qu’elle « ne pourrait jamais être courtisée pour faire des défilés de lingerie car ses seins étaient trop petits ». Un témoignage dénoncé comme la preuve des diktats absurdes de maigreur imposés aux mannequins.
Pourtant, ces polémiques à répétition semblent avoir renforcé l’aura de l’Anglaise auprès du public. Loin de la décrédibiliser, elles ont plutôt participé à forger son image de femme libre qui n’a que faire des conventions. Une idole forte d’un naturel désarmant qui la rend d’autant plus séduisante. La preuve avec les nombreuses rétrospectives, documentaires et expositions dédiées à son personnage dans les années 2010.
En 2012, rien de moins que les célébrations des JO de Londres lui rendent hommage. Sur les airs de « Nights in Barcelona » des Reaggae Boys, la voilà qui défile dans un décor bucolique, saluée comme une véritable icône pop. Une reconnaissance définitive pour celle qui n’a eu de cesse de bousculer les standards de la beauté.
Une influence dénoncée par certains, célébrée par d’autres
Mais cette omniprésence dans la culture populaire fait aussi débat. Régulièrement pointée du doigt pour son influence « néfaste » auprès des jeunes filles, Kate Moss est devenue la cible de critiques récurrentes. En 2011, la sortie de sa ligne de vêtements pour la marque Mango enflamme une nouvelle fois la controverse. Les tailles, jugées trop petites, sont dénoncées pour accentuer la « propagande de la maigreur ». Mango réplique en assurant s’adresser à toutes les morphologies.
Deux ans plus tard, c’est au tour du géant des cosmétiques Rimmel d’être épinglé pour son égérie jugée trop maigre. Face au tollé, la marque se justifie : Kate Moss « célèbre simplement une forme de beauté naturelle et n’est pas un modèle de maigreur extrême ».
Las d’être systématiquement montrée du doigt, Kate Moss finit par répondre à ses détracteurs en 2015. Dans les colonnes du magazine Roccia, elle dénonce « le malentendu récurrent selon lequel les jeunes filles voulaient (lui) ressembler ». Et la mannequin de préciser : « Jamais je n’ai voulu être un modèle pour qui que ce soit. Ce n’est pas mon but. »
Son franc-parler n’aide pas à clore les polémiques. Lorsqu’en 2018, un documentaire évoque ses excès de jeunesse, de nouvelles voix s’élèvent pour dénoncer une prétendue « glorification de la toxicomanie ». De quoi nourrir une nouvelle fois les débats sur l’image renvoyée par Kate Moss à la jeunesse.
Pourtant, la mode semble bien décidée à continuer d’encenser son icône. En 2022, le magazine andin MUZE lui rend un vibrant hommage dans ses pages. La styliste britannique Bella Freud ne tarit pas d’éloges sur « cette fille libre comme l’air, dotée d’un esprit joueur et d’une attitude anti-establish provocatrice ». Une vision partagée par le milieu artistique qui n’a eu de cesse de célébrer le personnage dans de multiples créations.
Kate Moss ou l’art de la polémique assumée
Qu’on l’adore ou qu’on la rejette, force est de constater que Kate Moss possède un art consommé pour attiser la polémique. Que ce soit par ses frasques de jeunesse, ses silences mystérieux ou ses déclarations choc, la Britannique semble avoir érigé la provocation en philosophie de vie.
Mais n’est-ce pas justement ce culte de la liberté qui fait d’elle une icône indémodable ? À l’heure où les injonctions à la jeunesse se multiplient, la mannequin dépeinte tour à tour comme un contre-modèle choquant et une incarnation libérée fascine par son refus de se plier aux diktats.
Loin du lissage politiquement correct, Kate Moss assume sans détour ses excès, ses complexes, ses aspirations. Une audace qui a fait d’elle une véritable rock star, bien plus qu’un simple mannequin. Peu importe les polémiques, son rayonnement n’a d’égal que l’admiration qu’elle continue de susciter.
Et c’est sans doute cette insouciance iconoclaste, aussi critiquée que célébrée, qui fait tout le sel de la « Moss attitude ». Une philosophie de vie qui, à défaut de faire l’unanimité, force le respect par son authenticité brute. Qu’importe les controverses, tant qu’on a une âme libre.