
On les croise partout. Dans les rues pavées, sur les pistes cyclables, aux abords des gares. La trottinette électrique n’appartient plus à une seule catégorie d’usagers — elle traverse les âges, des adolescents aux retraités. Ce phénomène intergénérationnel ne relève pas du hasard : il révèle une mutation profonde des attentes en matière de mobilité urbaine.
À retenir : La trottinette électrique séduit par sa praticité immédiate, son accessibilité financière et sa capacité à répondre aux besoins spécifiques de chaque tranche d’âge. Le marché français a écoulé 615 000 unités en 2024, avec une montée en gamme significative.

Le marché mondial des engins de déplacement personnel motorisés affiche 49 milliards de dollars en 2025, avec 4,4 millions d’unités vendues au premier semestre, soit une progression de 7,2 %. En France, même si les volumes ont atteint un pic en 2021 avec 908 000 trottinettes vendues, le marché se stabilise autour de 600 000 à 700 000 unités annuelles. Cette maturité traduit un passage du primo-équipement au renouvellement, signe d’une intégration durable dans les habitudes.
Paradoxalement, la baisse quantitative s’accompagne d’une montée qualitative : les modèles haut de gamme représentent désormais 35 % des transactions, contre 2 2 % en 2021. Les utilisateurs recherchent désormais des engins robustes, avec suspensions renforcées, autonomie étendue et freinage performant — des critères qui démocratisent l’accès à toutes les générations.
L’attrait pour la trottinette varie selon l’âge, mais la polyvalence du véhicule répond à des besoins universels. Les jeunes entre 14 et 25 ans y voient un outil d’émancipation : trajets vers le lycée, sorties entre amis, autonomie sans permis. La réglementation impose désormais l’Attestation Scolaire de Sécurité Routière dès 14 ans, encadrant ainsi une pratique qui explose chez cette tranche d’âge.
Les actifs de 25 à 45 ans représentent le cœur de cible principal. Pour eux, la trottinette résout une équation complexe : éviter les embouteillages, réduire les coûts de transport (parkings, carburant, assurance) et gagner en flexibilité sur le dernier kilomètre. Plus de 60 % des Français considèrent ces engins comme complémentaires aux transports publics.
Quant aux seniors et personnes à mobilité réduite, l’offre s’est adaptée avec des modèles à trois roues offrant stabilité et sécurité accrues. Ces versions permettent de maintenir une autonomie sans fatigue excessive, avec des autonomies atteignant 110 km pour certains modèles équipés de doubles batteries.
Le poids reste un critère déterminant, notamment pour les femmes et les usagers en multimodal. Les modèles légers oscillent entre 16 et 20 kg, facilitant le transport dans les escaliers, les transports en commun ou le coffre d’une voiture. Cette accessibilité physique brise une barrière d’entrée majeure : on n’a plus besoin d’être athlétique pour adopter ce mode de déplacement.
La maniabilité se conjugue à la compacité. Pliables en quelques secondes, ces trottinettes se glissent sous un bureau, dans un placard ou contre un mur. Cette discrétion spatiale les rend compatibles avec les contraintes du logement urbain, où chaque mètre carré compte.
Souvent présentée comme solution verte, la trottinette électrique affiche un bilan carbone d’environ
25 g CO₂e/km par passager selon les données de l’outil Impact CO₂ de l’ADEME.
Cette valeur est inférieure à celle des transports publics routiers (environ 74 g pour un bus hybride) et proche de celle d’un bus électrique (≈ 21 g).
Toutefois, lorsqu’elle remplace une voiture individuelle, elle permet une réduction significative des émissions de CO₂ par passager-kilomètre.
L’équation environnementale dépend donc principalement du mode de transport substitué.
Dans 77 % des cas, les trottinettes remplacent la marche, le métro ou le vélo — des modes moins carbonés. Mais pour les 23 % restants, elles évincent voitures et motos, générant un gain climatique net. Le véritable enjeu réside dans la durée de vie des batteries et la gestion du recyclage, domaines où les fabricants progressent.
| Profil | Critères prioritaires | Autonomie moyenne recherchée | Budget typique |
|---|---|---|---|
| Adolescents (14-18 ans) | Prix, design, légèreté | 20-30 km | 300-500 € |
| Actifs urbains (25-45 ans) | Autonomie, suspensions, étanchéité | 30-50 km | 500-1200 € |
| Seniors/PMR (60+ ans) | Stabilité (3 roues), confort, sécurité | 40-110 km | 800-2000 € |
| Femmes urbaines | Poids réduit (< 18 kg), pliabilité | 25-40 km | 400-900 € |
Le développement des pistes cyclables et des zones à faible émission a créé un environnement favorable. Les municipalités intègrent désormais ces engins dans leurs schémas de mobilité, avec des parkings dédiés et des bornes de recharge. Cette légitimation institutionnelle rassure les usagers hésitants et accélère l’adoption.
L’intermodalité joue un rôle clé : combiner trottinette et train permet de parcourir le premier et le dernier kilomètre sans attendre un bus bondé ou chercher une place de parking. Cette fluidité transforme l’expérience quotidienne du déplacement, réduisant stress et temps perdu.
Au-delà de la fonction utilitaire, la trottinette électrique modifie la perception de l’espace urbain. Elle offre une liberté de trajectoire : bifurquer dans une ruelle, s’arrêter devant une vitrine, improviser un détour. Cette souplesse contraste avec la rigidité des lignes de bus ou la contrainte du stationnement automobile.
Le plaisir de glisse réintroduit une dimension ludique dans les trajets fonctionnels. Rouler sur une trottinette procure une sensation de légèreté, un sentiment de maîtrise du temps et de l’itinéraire qui tranche avec la passivité des transports collectifs. Cette composante hédoniste explique pourquoi l’objet séduit au-delà de sa seule rationalité économique.
Les progrès techniques récents élargissent la base d’utilisateurs. Batteries amovibles pour faciliter la recharge en appartement ou même de chargeurs rapide pour l’accélérer celle-ci, freinage régénératif pour gagner en autonomie, éclairage LED intégré : chaque amélioration rend l’usage plus sûr et plus confortable. Les suspensions avant et arrière absorbent désormais les pavés et les nids-de-poule, rendant l’engin viable sur routes dégradées.
La trottinette électrique n’est plus l’apanage des jeunes urbains branchés. Elle devient un véhicule transgénérationnel, adapté aux besoins variés d’une population hétérogène. Sa capacité à répondre simultanément aux exigences de rapidité, d’économie, d’autonomie et de plaisir explique cette adoption massive et continue.
L’enjeu désormais réside dans la pérennisation du marché : améliorer la durabilité des batteries, structurer les filières de recyclage, renforcer la sécurité routière et harmoniser les réglementations. Si ces défis sont relevés, la trottinette électrique s’imposera comme un pilier incontournable de la mobilité urbaine du XXIᵉ siècle, au même titre que le vélo ou les transports publics.