Découvrez la première bande-annonce de Peaky Blinders : The Immortal Man, avec Cillian Murphy reprenant son rôle iconique de Tommy Shelby en pleine action

Il y a des bandes-annonces qui « annoncent » et d’autres qui réveillent. Les premières images de Peaky Blinders : The Immortal Man appartiennent à la seconde catégorie : elles n’expliquent pas, elles convoquent. Une présence — Cillian Murphy, silhouette tendue, regard d’acier — et tout un imaginaire revient d’un bloc. On croyait la saga refermée, rangée dans la vitrine des grandes séries de la dernière décennie ; le teaser rappelle au contraire une loi simple du cinéma comme des mythologies : ce qui a été violemment désiré peut toujours ressurgir, à contretemps, quand on pense avoir tourné la page.

Un retour qui n’a rien d’un simple bonus

Le film, titré The Immortal Man, arrive comme un dernier cadeau de fin d’année offert par Netflix, mais l’enjeu dépasse largement l’opération de calendrier. Une série qui s’achève laisse souvent une empreinte diffuse ; une série qui revient au cinéma (ou en format film) réclame une justification de mise en scène. Ce que promet ce premier aperçu, c’est moins une « rallonge » qu’un déplacement : passer du feuilleton nerveux — construit sur la répétition des rituels, des pactes et des trahisons — à une forme plus condensée, plus verticale, où chaque plan doit porter plus lourd.

On retrouve immédiatement les signes distinctifs : l’élégance taillée au rasoir, le goût pour l’icône, la pulsation musicale, et cette manière de filmer la violence non comme un spectacle, mais comme une habitude sociale. Les Peaky Blinders ont toujours été un récit d’ascension — de la boue de Birmingham aux couloirs du pouvoir — et la bande-annonce semble insister sur une idée : quand on a appris à survivre en étant dangereux, le passé ne se contente pas de revenir, il réclame sa dette.

Tommy Shelby : un corps, une voix, une fatigue

Ce qui frappe chez Tommy Shelby, c’est que son charisme n’a jamais été une simple posture. Murphy joue un homme qui commande comme on retient une tempête : par effort, par tension, par économie. La bande-annonce confirme ce paradoxe : Tommy a gravi les marches, fréquenté les institutions, frôlé la respectabilité… mais la respectabilité ne l’a pas apprivoisé. Il y a, dans ces images, une impression de retour au geste brut — l’action, la riposte, le réflexe — comme si le récit venait éprouver ce que le personnage a tenté de civiliser en lui.

Le film semble aussi vouloir faire du corps de Murphy un paysage dramatique. Sa silhouette est plus qu’un costume : c’est une dramaturgie en mouvement. Dans Peaky Blinders, le visage de Tommy devient souvent un montage à lui seul — micro-décisions, calcul, menace rentrée. Un long métrage peut amplifier cette matière : moins d’épisodes pour diluer, plus de temps pour creuser la fissure, la lassitude, la persistance du trauma et l’attrait du chaos.

Une esthétique reconnaissable, mais appelée à se resserrer

La série a bâti une identité visuelle forte, parfois au bord de la stylisation publicitaire — ce qui a fait son succès autant que ses critiques. Le teaser de The Immortal Man semble choisir la continuité, tout en laissant deviner un resserrement : des cadres plus opposants, une obscurité plus dense, une tension moins décorative. Il y a toujours cette chorégraphie des entrées, des regards, des coupes nettes, mais l’ombre paraît plus lourde, comme si le film voulait rappeler que l’élégance des Shelby est une armure, pas un luxe.

La musique, elle aussi, joue son rôle de signature. Difficile d’évoquer l’univers sans entendre, en arrière-plan, la menace hypnotique de « Red Right Hand ». Ce type de motif musical fonctionne comme une madeleine inversée : non pas le souvenir tendre, mais la réactivation d’un danger. Quand un thème revient, ce n’est pas seulement pour flatter la nostalgie ; c’est pour dire que le récit rebranche ses nerfs.

Du feuilleton criminel au récit de hantise

Ce que la bande-annonce laisse entrevoir — sans en dire trop —, c’est une structure possible : non pas « une nouvelle mission », mais une hantise. Le passé revient « quand Tommy s’y attend le moins » : cette formulation est intéressante, parce qu’elle déplace l’enjeu. Elle suggère un récit moins stratégique, plus fatal. Or Peaky Blinders a toujours été à la frontière entre le thriller social et la tragédie. Le film pourrait pousser l’aiguille du côté tragique : quand on a conquéri le pouvoir, que reste-t-il à gagner, sinon une paix intérieure qu’on n’a jamais su mériter ?

Dans une série, l’étirement du récit permet des zigzags, des personnages satellites, des saisons conçues comme des respirations. En film, la question est plus tranchante : quelle est la plaie centrale ? Quel est le choix impossible ? Le teaser, par sa densité, semble parier sur une narration plus ramassée, où l’action n’est pas un simple carburant, mais une conséquence.

Ce que le teaser dit du montage et du rythme

Un teaser n’est pas un résumé : c’est un contrat de rythme. Ici, le montage paraît travailler par éclats — quelques plans de tension, des fragments d’espace, des visages qui traversent le cadre comme des avertissements. C’est une méthode efficace pour une saga construite sur l’anticipation : l’univers de Peaky Blinders ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu’il retarde l’explosion. Voir Tommy « en pleine action » n’est pas forcément la promesse d’un film plus spectaculaire ; cela peut être, au contraire, la promesse d’un film plus resserré, où chaque acte de violence engage un prix moral immédiat.

On guette aussi l’usage des lieux — Birmingham comme matrice, Londres comme théâtre politique, des intérieurs feutrés où la parole devient une arme. Un long métrage a l’opportunité de faire des espaces des idées : cadrer une pièce comme une cage, un couloir comme une ligne de fuite, une table comme un champ de bataille diplomatique.

Une mise en perspective : quand les séries deviennent des films

Transformer une série culte en film est un exercice délicat, presque un genre en soi. Le risque est double : soit répéter les tics (et ne faire qu’un épisode « premium »), soit trahir l’ADN (et perdre ce qui faisait l’attachement). L’intérêt de The Immortal Man, tel que le teaser le suggère, est de chercher une troisième voie : garder le langage iconique, mais l’orienter vers une forme plus définitive, plus concentrée, où l’image doit raconter autant que le dialogue.

Ce mouvement de continuité/translation se lit aussi dans la façon dont le public consomme aujourd’hui les récits : alternance entre binge-watching et événements. On le voit dans les attentes autour des grandes franchises sérielles, qu’il s’agisse des anticipations liées à la saison 3 de The Last of Us ou des spéculations sur les secrets de la saison 2 de Squid Game. Peaky Blinders, en revenant sous forme de film, tente de redevenir un rendez-vous — non plus un chapitre, mais un geste.

Une question d’acteurs : l’icône et la troupe

La force d’une saga tient rarement à un seul visage, même si Tommy est le pivot. Peaky Blinders a toujours fonctionné comme une troupe : silhouettes menaçantes, alliés ambigus, ennemis plus politiques que criminels. Le film devra retrouver cet équilibre entre l’icône et le collectif. Et il y a là un enjeu de direction d’acteurs : comment filmer Murphy sans écraser tout le reste ? Comment retrouver une circulation, une friction, une polyphonie ?

À ce titre, le casting — et la manière dont il est annoncé, mis en avant, agencé — devient un indicateur de l’ambition réelle. Sur ce point, il est intéressant d’observer comme l’attention contemporaine se déplace vers les choix de distribution, parfois autant que vers la mise en scène : l’intérêt pour le casting de Shogun (2024) en est un symptôme clair. Un film Peaky Blinders ne peut pas se contenter de « retrouver des têtes » ; il doit réactiver des dynamiques.

Lecture critique : ce qui excite, ce qui inquiète

Ce teaser réussit un point essentiel : il ne vend pas une intrigue, il vend une tension. Il rappelle la texture morale de la saga — le pouvoir comme addiction, la loyauté comme piège, la violence comme langue maternelle. Il remet Tommy au centre sans le figer en statue. C’est prometteur.

Mais l’inquiétude est légitime : l’esthétique Peaky Blinders est si codifiée qu’elle peut se refermer sur elle-même. Le film devra éviter de n’être qu’un album de poses. Il devra aussi négocier la frontière entre fan-service et nécessité narrative. Un long métrage exige une architecture émotionnelle plus lisible : une ligne, un vertige, une perte. Sinon, il restera un bel objet, mais un objet lisse — l’inverse de ce que la série a su être quand elle acceptait ses aspérités.

Regarder autrement : l’attente comme matière dramatique

L’arrivée de The Immortal Man rappelle, au fond, que la patience du public est devenue une donnée de la mise en scène contemporaine. On attend, on théorise, on dissèque une minute de teaser comme un plan d’architecte. Cette manière de « ranger » nos attentes, de les classer entre indices, rumeurs et certitudes, dit quelque chose de notre rapport aux récits ; cela m’évoque, par contraste, des lectures plus inattendues sur nos habitudes de tri et de projection, comme la façon dont le rangement reflète la personnalité : on ordonne pour se rassurer, on catégorise pour maîtriser l’incertitude.

Or le meilleur Peaky Blinders est précisément celui qui déjoue la maîtrise, qui rappelle que le chaos n’est jamais loin des costumes repassés. C’est peut-être ce que promet le titre lui-même, The Immortal Man : non pas l’idée naïve d’invincibilité, mais l’hypothèse plus sombre d’une répétition — l’homme qui ne meurt pas parce qu’il ne sait pas sortir de son propre cycle.

Une dernière image en tête : la fertilité de l’ombre

Un univers comme celui-ci a toujours travaillé une contradiction fertile : faire naître du style à partir de la boue, faire pousser une forme d’ordre à partir de la violence. C’est une logique presque organique : on associe des éléments opposés, on compose une harmonie instable. Étrangement, cela me fait penser à une métaphore plus terre-à-terre mais éclairante, celle d’un jardin où l’on mélange fleurs et légumes pour renforcer l’ensemble — une idée que j’ai croisée en lisant un article sur l’association fleurs-légumes. Dans Peaky Blinders, la beauté et la pourriture cohabitent ; la question est de savoir si le film saura encore faire de cette cohabitation un drame, et pas seulement une signature visuelle.

Ce teaser, en quelques éclats, pose donc une attente précise : revoir Tommy Shelby non comme un souvenir, mais comme un problème vivant, un homme dont chaque décision remet en jeu la possibilité même d’un avenir.

Laisser une réponse

Catégories
Rejoins-nous
  • Facebook38.5K
  • X 32.1K
  • Instagram18.9K
Chargement Prochain Post...
Chargement

Signature-dans 3 secondes...

De signer 3 secondes...