
Quatre épisodes. Un plan-séquence continu. Une famille déchirée. Adolescence ne vous demande pas si Jamie Miller a tué Katie, mais pourquoi. Cette mini-série britannique, devenue phénomène mondial depuis sa sortie en mars 2025, bouleverse tout ce qu’on croyait savoir sur la responsabilité, l’éducation et les dérives silencieuses du masculinisme en ligne. La réponse à la question « qui est coupable ? » n’est jamais celle qu’on attend.
Oui. Jamie Miller a tué Katie. Les caméras de surveillance d’un parking le montrent frappant violemment la jeune fille au sol le soir du 7 mai 2024, vers 22h15. Face à cette vidéo diffusée par les enquêteurs dès l’épisode 1, l’adolescent s’effondre en larmes sans dire un mot. Son père Eddie, campé magistralement par Stephen Graham, ne reconnaît plus son fils. La question de la culpabilité est réglée en moins d’une heure de visionnage.
Mais Adolescence n’est pas une enquête policière classique. La série ne cherche jamais à créer un suspense autour de l’identité du meurtrier. Elle plonge ailleurs, beaucoup plus profond : dans les mécanismes qui transforment un garçon ordinaire en criminel. Dans le « pourquoi » plutôt que le « qui ». Dans l’insupportable vérité que personne ne veut regarder en face.
Katie harcelait Jamie à l’école. Elle refusait ses avances. Humilié, isolé, le garçon s’est radicalisé en ligne, aspiré par la rhétorique des incels — ces « célibataires involontaires » qui nourrissent une haine mortelle envers les femmes. Un camarade de classe le décrit sans détour comme tel lors de l’enquête. Jamie n’a pas tué par folie passagère, mais par conviction idéologique, nourrie jour après jour sur les réseaux sociaux, dans des forums où la violence masculine est glorifiée.
Stephen Graham, co-créateur de la série, explique avoir été choqué par la multiplication de faits divers similaires au Royaume-Uni. « Pourquoi est-ce que ça arrive de nos jours ? Comment en est-on arrivé là ? » Ces questions traversent chaque plan-séquence comme une lame.
| Élément clé | Impact dans la série |
|---|---|
| Vidéo de surveillance | Preuve irréfutable dès l’épisode 1, élimine tout suspense sur la culpabilité |
| Idéologie incel | Motif principal du meurtre, dénonce l’influence des réseaux sociaux |
| Plan-séquence | Immersion totale, sensation d’être présent aux côtés des personnages |
| Culpabilité parentale | Le père se sent responsable de n’avoir rien vu venir |
Treize mois après le drame, la famille Miller survit à peine. Harcelés au travail, dans la rue, à l’école pour la sœur Lisa, ils portent la honte du crime comme une seconde peau. La médiatisation de l’affaire les a transformés en cibles publiques. Puis Jamie appelle son père Eddie le jour de son anniversaire. Il annonce qu’il va changer son plaidoyer : il plaidera coupable au procès.
La série s’achève sur Eddie, seul dans la chambre de son fils, submergé par les larmes et les regrets. « Pardon, fiston. J’aurais dû mieux faire. » Ces derniers mots résonnent comme une condamnation collective. Le père se sent aussi coupable que le meurtrier. Parce qu’il n’a rien vu. Parce qu’il n’a pas su protéger son enfant des algorithmes toxiques et des discours de haine.
Diffusée le 13 mars 2025 sur Netflix, Adolescence a raflé huit statuettes aux Emmy Awards 2025, devenant la deuxième série anglophone la plus regardée de l’histoire de la plateforme. En France, le gouvernement a pris des mesures similaires à celles du Royaume-Uni après sa diffusion, tant l’impact sociétal de la série a été puissant. Le réalisateur Philip Barantini a confirmé qu’il n’y aura pas de saison 2 : « Nous avons réussi un coup de maître. »
Cette mini-série en quatre épisodes filmés en temps réel ne laisse personne intact. Elle force à regarder ce que notre société produit : des enfants perdus, armés de smartphones et de rage. Jamie Miller n’est pas un monstre. C’est un garçon de 13 ans qui a grandi dans un monde incapable de le protéger de lui-même.