DC Offre à Wonder Woman sa propre déclinaison du plus grand arc narratif jamais vu chez les X-Men

Il y a des récits qui finissent par agir comme des lentilles : ils ne se contentent pas d’être réédités ou cités, ils reformatent notre façon de lire les super-héros. Chez Marvel, Days of Future Past appartient à cette catégorie rare. Deux épisodes à peine, et pourtant l’impression d’avoir ouvert une trappe sous le genre : un futur qui juge le présent, une dystopie qui n’est pas un décor mais un avertissement. Aujourd’hui, DC semble offrir à Wonder Woman sa propre déclinaison de ce mécanisme narratif — non pas comme un hommage appliqué, mais comme une tentative de doter Diana d’un antagoniste et d’un horizon dramatique capables de la définir durablement.

Une héroïne à l’écran en suspens, mais une héroïne sur papier en pleine accélération

Côté cinéma, l’actualité de Wonder Woman ressemble à une salle de montage: on y devine des choix, des coupes, des intentions, mais peu d’images définitives. DC Studios travaille à un nouveau film consacré à Diana, avec un scénario signé Ana Nogueira, déjà associée au projet Supergirl. Les spéculations sur le futur casting sont inévitables, et elles disent beaucoup de l’enjeu : à qui confier un personnage devenu emblématique au-delà de l’interprétation de Gal Gadot ? Pour prendre la température de ce débat, on peut lire ce tour d’horizon sur les actrices susceptibles de succéder à Gal Gadot, qui rappelle qu’un rôle iconique est aussi une affaire de présence, de rythme, de silhouette dans le cadre.

Mais pendant que le grand écran hésite, les comics, eux, avancent à découvert. Et c’est souvent là que DC teste ses idées de cinéma sans le dire : en jouant sur le montage temporel, l’ampleur des menaces, l’efficacité des icônes. Le papier devient un story-board à grande échelle, une salle de répétition où l’on vérifie si un mythe tient encore quand on le place face à une catastrophe politique, morale, intime.

Pour suivre les mouvements autour du personnage au cinéma, le sujet est déjà balisé du côté des attentes et des rumeurs, notamment via cette page sur le retour de Wonder Woman au cinéma. Cela éclaire un point essentiel : DC ne peut plus se contenter de “ramener” Diana. Il faut lui redonner une trajectoire.

Le “futur noir” comme outil de mise en scène : quand le récit installe sa lumière

Dans la série Wonder Woman actuellement pilotée par Tom King, avec un dessin majoritairement assuré par Daniel Sampere, un numéro charnière projette un futur à vingt ans : une Amazon dissidente, Emelie, a renversé l’Amérique, pris le pouvoir sous le titre de Matriarch, et fait exécuter les super-héros. L’idée n’est pas seulement de choquer. Elle installe une atmosphère, presque une température visuelle : la promesse que le présent est déjà contaminé par sa fin possible.

En termes de langage narratif — et je le dis avec mes réflexes de cinéaste amateur habitué à “préparer” une émotion au montage — ce futur sert de plan d’ouverture mental. On montre la destination pour que chaque scène du présent soit lue comme un carrefour. C’est exactement ce qui rend les dystopies efficaces quand elles ne sont pas décoratives : elles modifient le regard, elles imposent une tension sur les gestes ordinaires.

Wonder War : une dystopie moins technologique, plus politique

Le prochain grand arc annoncé, The Wonder War, promet de revenir sur l’événement qui a permis à la Matriarch de s’emparer de l’ancien territoire américain. L’enjeu affiché va au-delà d’un simple “crossover de plus” : la Matriarch ne se contente pas de régner, elle lance une croisade pour étendre son contrôle. Et face à elle, le récit place un duo qui change la dynamique de Wonder Woman : Diana et Trinity, sa fille, contraintes d’unir leurs forces.

Ce détail est loin d’être anodin. Au cinéma, l’introduction d’une figure filiale peut être une facilité (le “héros humanisé par l’enfant”), mais en feuilleton, c’est souvent un moteur de mise en tension morale. Trinity n’est pas seulement un enjeu affectif : elle devient une variation de cadre, une autre focale sur Diana. L’héroïne n’est plus uniquement un symbole ; elle est aussi responsable d’un héritage vivant, qui peut contredire ses certitudes.

Pourquoi tout le monde pense à Days of Future Past (et pourquoi ce n’est pas si simple)

L’ombre de Days of Future Past plane dès qu’un comic met en scène un futur totalitaire à empêcher. Chez les X-Men, le procédé était d’une efficacité chirurgicale : un futur où l’État a gagné, où les corps sont contrôlés, où la différence est enfermée, et un mécanisme narratif de “retour” pour empêcher l’événement déclencheur. Ce récit est resté si influent qu’il a fini par structurer des adaptations télé, des variations en animation, puis une relecture au cinéma dans les années 2010.

La comparaison, cependant, peut être trompeuse si on l’utilise comme une étiquette. D’un point de vue de narration, Days of Future Past est une histoire de système : une machine politique et policière (les Sentinels) qui impose sa logique. Le futur n’est pas l’expression d’un seul vilain, mais la conséquence d’une mécanique de peur. Or, dans The Wonder War, tout indique une dystopie davantage centrée sur une figure : la Matriarch comme dictatrice, comme visage du régime.

En cinéma, c’est une différence majeure de dispositif. Un “régime-système” produit une mise en scène froide, géométrique, qui cadre les individus comme des dossiers. Un “régime-personnage” autorise une mise en scène plus charnelle, plus théâtrale, où le pouvoir se lit dans la posture, la saturation, la violence exemplaire. Wonder Woman semble se diriger vers cette seconde option : une dystopie incarnée.

De la métaphore X-Men à la tragédie amazonienne

Le point le plus intéressant, à mes yeux, est la manière dont la série a préparé ce futur. Le récit s’ouvre sur une décision politique : des Amazones sont bannies du sol américain via une loi de “sécurité”, après un incident violent né de harcèlement. On reconnaît ici un dispositif classique des X-Men : la discrimination comme moteur dramatique, non pas réduite à un slogan, mais convertie en administration, en texte juridique, en climat social.

La différence, c’est que Wonder Woman porte une symbolique particulière : elle n’est pas seulement “minoritaire”, elle est aussi associée à un imaginaire d’idéal et de diplomatie. Là où les X-Men travaillent souvent la honte, la clandestinité, l’incompréhension, Diana porte la possibilité d’un accord. La priver de ce terrain (en l’excluant, en la criminalisant) revient à saboter l’une des promesses fondamentales du personnage. C’est là que la dystopie devient pertinente : elle propose une expérience limite de l’échec du dialogue.

La Matriarch, ou la tentative de créer “un Joker” pour Diana

On prête à Tom King l’ambition de construire pour Wonder Woman un adversaire récurrent d’une ampleur comparable à ce que Lex Luthor représente pour Superman, ou le Joker pour Batman. Cette intention n’est pas qu’un argument marketing : elle reconnaît un déficit historique. Diana a des ennemis mémorables, mais DC n’a pas toujours réussi à installer, dans l’imaginaire populaire, un antagoniste unique qui serve de miroir déformant permanent.

Si la Matriarch fonctionne, ce sera parce qu’elle attaque Wonder Woman sur son terrain le plus fragile : la relation entre force et légitimité. Un tyran “classique” défie un héros sur le plan physique ou stratégique. Un tyran issu du même monde mythique (une Amazon) ouvre un conflit plus cruel : le désaccord intérieur, la guerre civile symbolique. En termes de dramaturgie, c’est un duel qui peut être filmé comme une confrontation d’idéaux plutôt que comme un concours de puissance.

Une imagerie de fin du monde : l’art de la “tableau-choc”

Certains aperçus de ce futur mettent en scène des héros exécutés, exposés comme des trophées. Ce genre d’image a une fonction précise : créer un traumatisme iconographique qui contamine la lecture. On pense à ces couvertures ou ces compositions qui, en un seul plan, résument une époque de comics : la violence n’est pas là pour “faire adulte”, mais pour inscrire une menace dans la mémoire visuelle.

Au cinéma, on parlerait de “plan-signal”, celui qu’on n’oublie pas et qui donne au récit une gravité immédiate. Le risque, évidemment, c’est la surenchère : si l’image est plus forte que le récit qui la justifie, elle devient un poster avant d’être un moment. Le défi de The Wonder War sera de transformer ces tableaux en véritable rythme narratif, pas en collection de chocs.

Absolute Wonder Woman : l’autre laboratoire, plus radical, plus expressionniste

En parallèle, DC pousse une autre variation avec Absolute Wonder Woman, écrite par Kelly Thompson et illustrée principalement par Hayden Sherman. Ici, Diana est réinventée : sorcière, élevée dans un monde souterrain par Circé, loin des Amazones. Le geste est clair : changer la grammaire du personnage, déplacer son origine, puis vérifier si son cœur moral — une forme d’optimisme et de compassion — résiste à une esthétique plus sombre.

Ce n’est pas qu’un “univers alternatif” de plus. C’est une autre idée de la mise en scène de Wonder Woman : moins classique, plus proche du conte noir, avec un sens du cadre et de la silhouette qui évoque des influences fantasy plus contemporaines. Un crossover annonce la rencontre avec Absolute Batman, avant un arc où Diana affronte Zatanna (envoyée pour l’éliminer), sous l’influence d’une figure politique, Veronica Cale. Et l’ombre d’une antagoniste plus “comics” plane aussi : Giganta.

Ce double mouvement (dystopie politique dans la série principale, relecture sorcière dans Absolute) ressemble à ce que font parfois les studios quand ils développent deux films en parallèle pour tester deux tonalités. L’un travaille le thriller institutionnel, l’autre explore une veine plus expressionniste.

Quand DC réfléchit comme une industrie du récit (et ce que ça change pour le spectateur)

Ce qui me frappe, c’est la cohérence “transmédia” involontaire : les comics préparent des catégories d’images et de conflits qui, demain, pourront être traduites en cinéma. La question du casting, la question de l’âge du personnage, la question de la tonalité (mythe lumineux ou drame politique) : tout cela se joue déjà sur papier.

Dans le même mouvement, l’écosystème DC s’amuse à exhumer, reconfigurer, relancer des figures et des projets, comme le rappelle ce détour par un film inédit autour de Robin. Ce n’est pas Wonder Woman, mais cela dit quelque chose de l’époque : DC cherche ses formes, ses chemins, ses angles. Wonder Woman, elle, bénéficie d’un avantage : son mythe est suffisamment ancien pour accepter plusieurs lectures, mais suffisamment actuel pour cristalliser des débats contemporains (pouvoir, souveraineté, violence légale, place des femmes dans la guerre et dans la paix).

Une passerelle inattendue : culture pop, animation, et apprentissage de la dystopie

Je reviens souvent à l’animation quand je veux comprendre comment un public apprend à lire les univers de super-héros. Les séries animées ont, depuis longtemps, popularisé les récits de futurs catastrophes, d’univers alternatifs, de boucles temporelles — avec une clarté de narration que certains blockbusters envient. Pour élargir cette perspective, ce panorama des meilleurs dessins animés des années 2000 rappelle à quel point la décennie a installé une grammaire de feuilleton, de twists et de mondes cohérents.

Pourquoi c’est important ici ? Parce que The Wonder War, s’il veut avoir la force d’un “grand arc”, devra être lisible comme une bonne saison : avec des enjeux clairement posés, des retournements qui ne trichent pas, et une progression de tension qui ressemble à du montage pensé, pas à une escalade automatique.

Lecture critique : le pouvoir du miroir, et le risque de l’ombre portée

L’idée d’offrir à Wonder Woman “son” Days of Future Past est séduisante, parce qu’elle signifie : Diana mérite, elle aussi, un récit qui redéfinit le présent par le futur. Mais l’exercice est périlleux. D’abord parce que la dystopie est devenue une langue commune : il faut éviter l’impression de déjà-vu. Ensuite parce que Wonder Woman n’est pas Batman : sa noirceur n’a pas la même fonction. Si l’on assombrit son monde, il faut que cela serve à faire briller autre chose que la violence.

De ce point de vue, l’ajout de Trinity peut être un contrepoids intelligent : une manière de maintenir une respiration, une perspective, un écart de génération. La Matriarch, elle, porte un autre risque : si elle devient un simple “boss final”, elle réduira le propos à une performance de puissance. Si, au contraire, elle est construite comme un miroir idéologique (une Amazon qui croit sauver le monde en le soumettant), alors le récit peut toucher quelque chose de plus rare : la tragédie d’un idéal qui se retourne sur lui-même.

Rester attentif à l’écran, sans oublier que le laboratoire est déjà ouvert

Le cinéma DC observe, prépare, annonce. Et autour, les autres figures continuent de nourrir les discussions de casting et d’interprétation — on le voit même dans des sujets voisins comme l’avenir de Margot Robbie en Harley Quinn, qui montre à quel point une incarnation peut devenir un nœud stratégique pour tout un univers.

Pour Wonder Woman, l’intérêt immédiat est ailleurs : dans cette façon qu’a DC, sur papier, de tester une grande forme de récit, de la confronter à une héroïne dont la force ne devrait jamais être seulement musculaire. Si The Wonder War réussit, ce ne sera pas parce qu’il copie un modèle célèbre, mais parce qu’il comprend ce qui rend ce modèle vivant : la sensation qu’un futur terrible n’est pas une fiction lointaine, mais une conséquence déjà en train de s’écrire dans le présent.

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