
Il est paradoxal de constater qu’à l’heure où la technologie opérationnelle se densifie de capteurs, d’automatismes et d’intelligence, elle devient aussi l’une des surfaces d’attaque les plus vulnérables. Derrière cette avancée phénoménale, la cybersécurité peine à suivre un rythme qui ne cesse d’accélérer, dans un environnement où chaque faille exploitée peut avoir des conséquences bien réelles, voire systémiques. En 2024, le champ des possibles s’étend, les innovations techniques s’enchaînent, mais la question demeure : comment conjuguer progrès et résilience face à un horizon où menaces et solutions s’entrelacent ? Ce bilan propose de sonder les évolutions, d’esquisser les leviers qui transforment la sécurité OT, et de saisir les enjeux subtils qui dessinent l’avenir des systèmes critiques dans un monde désormais indissociable de sa fragilité numérique.

Cette année, le nombre d’attaques ciblant les systèmes de technologies opérationnelles (OT) a encore augmenté. Près de 75 % des professionnels de l’OT rapportent des intrusions affectant leurs systèmes, un saut notable comparé à 49 % en 2023. Ces systèmes, qui régulent des infrastructures critiques telles que les usines, les réseaux d’énergie et les transports, sont devenus des cibles prioritaires pour les cybercriminels.
Pourquoi cette montée ? La convergence progressive entre l’IT (technologies de l’information) et l’OT complique la visibilité et la défense des environnements OT. Alors que les réseaux IT bénéficiaient historiquement de protocoles de sécurité élaborés, les systèmes OT, longtemps isolés, adoptent désormais des connexions numériques plus ouvertes, créant ainsi de nouvelles vulnérabilités. En outre, les opérations ne peuvent se permettre de s’arrêter, limitant souvent les interventions et les mises à jour de sécurité dans ces environnements.
Ce contexte révèle un risque majeur : un intrus infiltré dans un système OT peut provoquer des interruptions d’activité, des pertes de données sensibles, voire des dommages physiques à l’équipement. La complexité croissante de ces systèmes signifie que la posture de sécurité doit évoluer rapidement, au risque de laisser la porte ouverte à des attaques aux conséquences lourdes.
Face à cette menace croissante, les entreprises renforcent la gouvernance de la sécurité OT. Cette année, on observe un transfert clair des responsabilités vers les postes de direction, parfois jusqu’au comité exécutif. Ce changement structurel souligne la reconnaissance de la sécurité OT comme un enjeu stratégique business, pas simplement technique.
Cette gouvernance accrue s’accompagne d’une adoption plus poussée de technologies dédiées, telles que les systèmes de détection d’intrusion spécifiques OT, le monitoring continu des réseaux industriels, et l’intégration d’une approche Zero Trust Network Access (ZTNA). Le ZTNA, concept dont l’application progresse dans les infrastructures opérationnelles, repose sur un principe simple : ne jamais faire confiance par défaut, même au sein du réseau interne — chaque accès est vérifié, autorisé et limité.
Ce modèle remplace le vieux paradigme du pare-feu, qui fonctionnait comme un vigile pour barrer l’entrée, mais laissait souvent circuler librement ceux déjà admis. Avec ZTNA, chaque requête se déroule sous contrôle strict, réduisant significativement les risques de compromission.
L’une des avancées notables de 2024 réside dans l’amélioration des outils de visibilité et d’analyse du trafic réseau OT. Ces plateformes exploitent désormais l’intelligence artificielle pour détecter des comportements anormaux qui échapperaient à un œil humain. Cette capacité facilite une réponse plus rapide, indispensable dans un univers où la continuité des opérations prime sur une mise à jour tardive.
Sur la partie réponse aux incidents, les technologies s’appuient de plus en plus sur des mécanismes automatisés et des playbooks numériques. Ainsi, en cas d’intrusion, des actions préprogrammées sont déployées instantanément, limitant l’étendue des dommages. Cette automatisation, bien qu’en constante amélioration, reste sous contrôle humain, important pour éviter les scénarios imprévus.
Jusqu’à récemment, la sécurité OT souffrait d’un retard important comparé à l’IT, souvent reléguée à un rôle accessoire. La transformation observée en 2024 marque une prise de conscience que protéger les infrastructures critiques est une condition sine qua non de la confiance sociétale et économique.
De plus, la montée en puissance des acteurs étatiques et des groupes cybercriminels lourdement organisés souligne la dimension géopolitique de la sécurité OT. Cette réalité impose une posture de vigilance constante, qui dépasse la simple protection IT classique.
Enfin, ces innovations réduisent progressivement l’écart entre la gestion de la cybersécurité et celle des opérations, favorisant une meilleure harmonie des équipes, et une prise de décision plus rapide et éclairée en cas de menaces.
Le recours accru à des techniques comme la segmentation réseau, l’authentification forte, et le chiffrement des communications OT devient une norme, modifiant la manière dont les équipes techniques conçoivent et maintiennent leurs infrastructures. L’expérience utilisateur, traditionnellement tournée vers la simplicité et la disponibilité, doit désormais intégrer ces couches supplémentaires de sécurité.
Les organisations investissent aussi davantage dans la formation des opérateurs, pour qu’ils saisissent mieux les risques liés aux cyberattaques. Cette montée en compétence redistribue les rôles et éclaire le pilotage des risques, au-delà des automatismes techniques.
Un autre changement majeur touche la chaîne d’approvisionnement. Les fournisseurs de matériel et de logiciels OT sont soumis à une exigence accrue en matière de sécurité, dès la conception, afin de limiter les vulnérabilités dès la racine. Cette démarche “security by design” prend peu à peu racine, même si elle demande du temps pour se généraliser.
En 2024, cette tendance au rapprochement entre IT et OT s’accélère. Ce qui oblige à repenser la gouvernance, les architectures, et les méthodes de contrôle. La complexité de cette fusion pourrait aussi générer de nouveaux risques, notamment liés à l’hétérogénéité des systèmes et à la gestion des données sensibles.
Un autre angle critique à suivre est celui des conséquences éthiques et sociales. La sécurisation des systèmes opérationnels ne concerne pas uniquement les entreprises, mais bien les populations, la santé publique, voire l’environnement. Par exemple, le fonctionnement fiable des réseaux énergétiques ou des systèmes de distribution d’eau potable repose sur ces technologies protégées.
On ne peut non plus ignorer la consommation énergétique des centres de données et équipements associés à ces innovations. La question de leur empreinte écologique s’impose, comme abordé dans des articles sur les data centers modernes. Trouver l’équilibre entre la performance, la sécurité et la durabilité représente un défi majeur à moyen terme.
Dans ce contexte, le recours à l’externalisation de certaines fonctions supports en sécurité et infrastructures OT, déjà en vogue, confirme sa pertinence. Il permet à des experts dédiés de relever ces défis sans alourdir les équipes internes, un point que les directions générales prennent de plus en plus au sérieux.
Pour bien appréhender ces transformations, il aide grandement de comprendre le fonctionnement du trafic réseau dans les environnements OT, un sujet souvent méconnu en dehors de la sphère technique. De même, la stratégie de réponse aux incidents, dont le cadre s’élargit avec ces nouvelles menaces, reste un pilier incontournable à maîtriser.
L’évolution du modèle ZTNA pour un accès réseau universel, s’incarne cette année comme un standard prometteur pour limiter les risques d’accès non autorisé, un pas vers une architecture plus solide et segmentée.
Ce qui se joue en 2024 dans la sécurité des technologies opérationnelles dépasse le simple cadre technique : c’est une mutation de la place même des opérations industrielles dans l’écosystème numérique, avec en arrière-plan des enjeux stratégiques qui toucheront l’ensemble de la société.
Pour en savoir plus sur ces sujets, des ressources détaillées permettent d’approfondir des notions comme le trafic réseau, la réponse aux incidents ou encore le modèle ZTNA.
Une décennie d’innovation s’engage, avec en filigrane une nécessité de vigilance continue et une approche plus collaborative entre spécialistes, décideurs et société civile.