Culture

Tomihiro Kono

Maître artisan des perruques et explorateur des identités

Tomihiro Kono est un artiste japonais de renommée internationale dans le domaine des perruques de créateur. Ses pièces uniques, mélangeant avec virtuosité matières, couleurs, volumes et influences culturelles diverses, repoussent les frontières de l’art capillaire. Chaque perruque Kono raconte une histoire et révèle une facette de l’identité de celui qui la porte. Collaborant avec les plus grands noms de la mode et de la musique, ses créations sont célébrées dans le monde entier comme des objets d’art à part entière. Derrière leur exubérance se cache un travail d’une finesse extrême et une réflexion profonde sur les notions d’apparence, de personnages et de métamorphoses.

Tomihiro Kono : Itinéraire d’un créateur atypique

Originaire de l’île de Shikoku au Japon, Tomihiro Kono grandit dans une famille d’agriculteurs producteurs de mandarines. Son destin semblait tout tracé : reprendre l’exploitation familiale. Cependant, fasciné depuis l’enfance par le monde animal, il ambitionne de devenir groomer, ces esthéticiens pour animaux. Sur les conseils avisés de sa mère, il suit une formation de coiffeur à Osaka, l’une des plus grandes villes du Japon.

Après quelques années d’apprentissage, il part travailler comme coiffeur à Tokyo, dans le quartier décalé de Harajuku. Haut-lieu de la culture jeune et alternative japonaise, Harajuku l’imprègne de ses codes esthétiques avant-gardistes. En 2007, Kono décide de tenter l’aventure londonienne. Dans la capitale britannique, il exerce comme coiffeur indépendant pour des shootings mode et défilés. C’est à cette période qu’il commence à confectionner ses propres accessoires pour cheveux à partir d’objets récupérés.

En 2013, il pose ses valises à New York, où sa carrière prend un nouvel élan. Il travaille avec les plus grands noms de la photographie comme Peter Lindbergh ou Albert Watson. Cependant, malgré ce parcours professionnel envié, il ressent une forme de frustration face à l’évolution des tendances capillaires, de plus en plus épurées et naturelles. Ce minimalisme ambiant brime sa créativité débridée.

Influences de Tomihiro Kono

Kono puise son inspiration dans des sources extrêmement variées. La culture jeune et décalée du Tokyo des années 1990-2000 l’a durablement marqué. Ses références couvrent un large spectre temporel et géographique: le rococo français, le glam rock anglais, le punk, la culture underground… Il mélange les époques et les continents avec une liberté jubilatoire.

Parmi ses inspirations majeures figure la période rococo et ses coiffures sophistiquées. Il apprécie également le travail d’artistes comme l’Américain Ryan Jude Novelline, spécialiste des prothèses et effets spéciaux. Le designers japonais Kansai Yamamoto, célèbre pour ses créations pour David Bowie, compte également parmi ses références.

Kono assemble et recompose ces influences éclectiques pour créer un univers étonnant, à la lisière de la mode, de l’art et de la sculpture.

La perruque comme médium artistique

En 2016, Kono opère un tournant décisif dans sa carrière en se consacrant pleinement à la confection de perruques. Cet artisanat le fascine depuis ses débuts dans la coiffure, mais il n’avait jusque-là pas eu l’occasion de pleinement l’explorer. Pour lui, la perruque devient le moyen idéal d’assouvir sa créativité en matière capillaire et d’explorer sa vision du caractère transformateur de la chevelure.

Kono créé des pièces uniques, fluctuant entre sculpture, accessoire, prothèse capillaire… Ses perruques adoptent des formes extraordinaires : volutes, courbes complexes, volumes démultipliés. L’artiste les conçoit entièrement à la main en assemblant minutieusement mèches naturelles colorées, rajouts, et matières diverses comme le métal. Certaines évoquent des créatures chimériques tandis que d’autres s’inspirent de coiffures historiques.

Derrière chaque perruque se cache pour Kono un personnage, avec son histoire, sa personnalité. La perruque devient le moyen de révéler les multiples facettes d’un individu. Changeant de tête le temps d’un shooting ou d’un concert, le porteur peut explorer des aspects insoupçonnés de sa personnalité.

Kono compare d’ailleurs son travail à une forme de « sorcellerie capillaire », tant il associe à la chevelure des pouvoirs de métamorphose identitaire.

Collaborations avec les grands noms de la mode

Le talent de Kono pour les perruques créatives est rapidement repéré par les plus grands noms de la mode. En 2014, il entame une fructueuse collaboration avec le créateur Junya Watanabe pour la maison japonaise Comme des Garçons. Pendant 3 ans, il imaginera les perruques de neuf défilés pour la marque, avec à chaque fois des propositions surprenantes.

Par la suite, de nombreuses autres collaborations prestigieuses s’ensuivront avec Jil Sander, Maison Margiela, Marc Jacobs… Kono crée également les perruques de la chanteuse Björk pour ses pochettes d’album et clip vidéos. L’artisteislandaise, réputée pour ses looks avant-gardistes et ses métamorphoses, constitue une partenaire idéale pour le créateur japonais.

Grâce à ces collaborations et à ses publications remarquées sur les réseaux sociaux, les créations de Kono suscitent un engouement croissant. Suite à cette exposition, et pour répondre à la demande du public, il lance une ligne de perruques et extensions colorées plus accessibles, baptisée « Fancy Wig ». Le succès est immédiat.

Une démarche exigeante

Kono considère la fabrication des perruques comme un processus extrêmement long et exigent. Chacune de ses pièces uniques nécessite des dizaines voire des centaines d’heures de travail minutieux. L’artiste créé entièrement ses perruques à la main, en sélectionnant les cheveux, les teignant, les tissant et les nouant avec une patience infinie.

Pour obtenir les volumes et formes souhaités, Kono utilise des techniques variées comme le finger waving (ondulation digitale), le wet setting (mise en plis sur bigoudis), le wefting (ajout de mèches cousues), l’ventilation (séchage sur moule) ou le knotting (nouage des cheveux). Il maîtrise à la perfection cet artisanat exigeant.

Outre la technicité du geste, le processus créatif occuppe une place centrale. Pour Kono, la perruque est un moyen d’explorer la « personnalité » du personnage imaginé. Une démarche presque rituelle sous-tend chacune de ses réalisations.

Publications et expositions

En 2017, Kono fonde avec sa partenaire la photographe Sayaka Maruyama la maison d’édition Konomad. Cette structure leur permet de publier des ouvrages monographiques autour du travail de Kono. En 2020 sort l’imposant recueil « Personas 111 », réunissant 111 perruques imaginées par Kono pour la même mannequin. Préfacé par la célèbre actrice japonaise Tetsuko Kuroyanagi, l’ouvrage rencontre un beau succès.

Fin 2021, le Wereldmuseum de Rotterdam consacre une exposition à l’histoire de la coiffure intitulée « Ha!r Power » dans laquelle Kono est l’un des artistes contemporains mis à l’honneur. Ses perruques sculpturales y côtoient des pièces historiques.

Début 2023, Kono et Maruyama publient « Fancy Creatures », compilation des dernières créations de l’artiste. Toujours en quête de nouveaux horizons pour repousser les frontières de son art, Kono poursuit inlassablement ses expérimentations à la lisière de l’artisanat, de la sculpture et de la performance.

Une vision singulière dans l’univers des perruques

Le parcours de Kono est singulier dans le paysage des perruquiers-stylistes. La plupart opèrent dans les coulisses, fournissant des postiches pour le spectacle ou des prothèses pour des usages médicaux. Kono fait sortir la perruque des coulisses en en faisant un objet artistique à part entière, qui plus est le fer de lance de son travail.

A une époque où les perruques grand public se démocratisent, portées comme accessoires de mode par les stars comme Lady Gaga ou Katy Perry, Kono occupe une place à part. Ses créations ne sont pas de simples produits commerciaux mais bel et bien des pièces uniques faites à la main, presque vivantes.

Là où les perruques sont souvent conçues pour camoufler, masquer la chute des cheveux ou faciliter les changements de style, Kono les utilise pour révéler la personnalité profonde de ceux qui les arborent. Ses perruques sont des masques qui disent la vérité sur notre rapport à l’apparence et l’identité.

Esthétique

Les créations de Kono frappent avant tout par leur exubérance baroque, leur sens du détail et leur finition impeccable. L’artiste sculpte de véritables architectures capillaires, jouant avec brio sur les volumes, les textures et les nuances chromatiques. Certaines pièces évoquent des créatures fantasmagoriques tandis que d’autres rendent hommage à des coiffures historiques.

Kono accorde une attention maniaque aux finitions et à la pose de chaque mèche. Ses chignons complexes et ses ondulations surréalistes témoignent d’heures de travail fastidieux. Derrière l’apparente extravagance se dissimule une recherche presque obsessionnelle du détail parfait.

Paradoxalement, en dépit de leur sophistication technique, ses perruques conservent une fraîcheur et un côté façonné à la main. Comme sorties d’un conte de fée, elles mêlent naïveté enfantine et virtuosité artisanale. L’imperfection dans la finition fait partie de leur charme unique.

Thèmes et inspirations

Les créations de Kono couvrent un large spectre d’inspirations, reflétant son parcours cosmopolite. Ses années tokyoïtes transpirent dans les mèches fushia ou vert fluo, clin d’oeil assumé à la culture Harajuku. D’autres pièces rendent hommage au classicisme de la période Edo avec leurs chignons stricts et leurs motifs traditionnels.

L’univers rococo imprègne bon nombre de ses perruques les plus théâtrales, où les boucles s’enroulent et s’enchevêtrent à l’infini. Le Paris du 18ème siècle semble renaître sous les doigts de l’artiste.

Mais Kono puise également son inspiration dans la SF, la fantasy ou les cultures alternatives comme le punk ou le glam-rock. Ses créations deviennent tour à tour aliens polymorphes, divinités Lovecraftiennes ou descendants du Roi Soleil.

En distillant ainsi des fragments d’inspirations éclectiques, Kono compose un univers singulier oscillant entre nostalgie et futurisme. Ses perruques semblent produites par une civilisation lointaine ou oubliée, dont il serait l’unique dépositaire.

Rapport au corps et à la technologie

Le rapport au corps occupe une place centrale dans le travail de Kono. Ses perruques entretiennent un lien étroit avec l’anatomie de celui qui les porte. Elles en épousent les volumes, en prolongent les lignes, en augmentent la présence spatiale. Souvent posées directement sur le crâne, elles fusionnent avec le porteur.

Kono envisage d’ailleurs une possible hybridation entre ses créations et la technologie. Il imagine déjà ses perruques ornées de diodes LED et interagissant avec des capteurs corporels. Cette vision d’une « perruque augmentée » rapproche son art des pratiques de bio-hacking qui cherchent à incorporer organique et technologique.

Plus largement, Kono s’intéresse aux notions de réalité virtuelle et d’avatar. Il réfléchit à une extension possible de son travail dans les univers numériques où les identités se fragmentent et se métamorphosent sans entraves physiques. Ses perruques pourraient alors habiller nos avatars digitaux…

Une philosophie de la métamorphose

Au-delà de l’esthétique, la démarche de Kono questionne notre rapport à l’identité et à ses représentations. Chez lui, la perruque n’est pas simple artifice mais révélateur de personnalité. Elle autorise une fluidité des rôles et des genres que l’artiste revendique.

Kono considère en effet les identités multiples comme notre état natuel. Nous passons constamment d’un rôle social à un autre, d’un moi public à une intériorité cachée. Ses perruques permettent d’embrasser ces différentes personae, de les afficher au grand jour.

Dimitri

Je suis un écrivain passionné par la lecture et l'écriture. J'ai choisi d'exprimer mes opinions et mes observations sur mon blog, où je publie souvent des articles sur des sujets qui me sont chers. Je m'intéresse aussi beaucoup aux préoccupations sociales, que j'aborde souvent dans mon travail. J'espère que vous apprécierez mes articles et qu'ils vous inciteront à réfléchir vous aussi à ces sujets. N'hésitez pas à me laisser un commentaire pour me faire part de vos réflexions !

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